Lorsque, sous prétexte de décentralisation ou déconcentration, ou d'"aménagement du territoire, on construit un nouveau tronçon de TGV ou section d'autoroute entre Paris et une grande ville de province, on sait que c'est moins une faveur que l'on fait aux provinciaux, qu'une extension de Paris. Marseille ou bientôt Strasbourg deviennent des sortes de banlieues lointaines de la capitale.
La récente « ouverture » de Nicolas Sarkozy à des figures un peu oubliées ou marginalisées de la gauche va dans ce sens : étendre le pouvoir sarkoziste ou UMPéiste en ratissant large. Très large.
Aucune nécessité politique n'oblige le nouveau président à amadouer la gauche. Est-ce par souvenir des gouvernements du Général qui incluaient des communistes ? est-ce par un souci bienveillant d'équilibre politique ?
Je ne le crois pas.
Après avoir raflé les élus UDF, Monsieur Sarkozy est en train d'agrandir son empire. Pour changer de métaphore, disons qu'il est en train de négocier une série de rachats d'entreprises plus petites pour étendre son empire et s'ouvrir de nouveaux marchés. Et peut-être faire des économies d'échelle.
Autrement dit, on se dirige vers une encore plus grande unification du pouvoir. Après l'Elysée, l'Assemblée Nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel, les médias, le showbiz, le CAC-40, l'UDF, pourquoi lui faut-il acquérir aussi une partie de la gauche ?
On a souvent représenté Sarkozy comme l'homme qui voulait toujours plus. Maintenant qu'il a l'Elysée, qu'est-ce qu'il peut vouloir de plus, en effet ? Constituer un pouvoir politique qui ne supporte plus aucune contradiction, ou pour lequel toute contradiction sera aussitôt marginalisée. Non seulement un état UMP, mais presque une société UMP.
Et sans ramener la situation à la psychologie de Sarkozy, et à la blessure (quelle qu'elle fût) qui est à l'origine de sa soif de pouvoir, il suffit de regarder son comportement pendant les cinq dernières années dans sa lutte contre Chirac. A coup d'alliances individuelles avec les différents personnages de l'UMP, avec des gens qui étaient persuadés que leur avenir était avec Sarkozy, il a réussit à agrandir sa sphère d'influence jusqu'à marginaliser Chirac dans son propre parti. Et c'est là qu'intervient la soupe. On l'a déjà vu avec les élus UDF. C'était tellement facile que maintenant le président s'attaque carrément à la gauche.
Vous allez dire que je suis parano, que je suis dans la politique-fiction. Peut-être. C'est le rôle des blogs, après tout, de dire ce qui ne peut pas se dire ailleurs. J'ai peut-être tort. Sarkozy cherche peut-être à joindre toutes les forces de la société dans un grand cercle chantant, où tout le monde se donne la main.
Mais je ne le crois pas.
UPDATE: Chez Libé, les commentateurs se méfiant de Sarkozy pensent que cette "ouverture à gauche" n'est qu'un écran de fumée pour mieux tromper tout le monde. Moi, je ne vois pas pourquoi Sarkozy ferait des gestes dans ce sens si c'est pour reculer après, lui qui n'aime pas afficher les signes de sa faiblesse ou de ses échecs.
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