14 mai 2007

La presse libre de se taire

L'empire Sarkozy déjà épinglé pour interférence dans les médias ! Enfin, je fais semblant d'être surpris, car évidemment ce n'est que la suite d'une longue histoire.

C'est grâce à Rue89 que l'on peut même parler de tout cela, et on peut se consoler un peu du fait que l'internet fournit un nouvel accès aux faits. Le récit publié par Rue89 de comment Largardère Active Média, propriétaire du Journal de Dimanche, serait intervenu pour empêcher le journal de révéler l'abstention de Cécilia Sarkozy, donne beaucoup de détails sur les acteurs et la chronologie de cette intervention. Cette version des faits est bien sûr niée par la rédaction (voir ici par exemple). Jacques Espérandieu, le directeur de la réadaction du JDD, insiste:

"C'est moi qui ai pris la décision de ne pas passer le papier, j'assume totalement en mon âme et conscience".

Le Monde publie, hier, un papier qui résume l'histoire à un conflit entre deux versions. Rue89 dit qu'il y a eu intervention de Lagardère, le JDD nie. Puisqu'il s'agit de coups de fil entre M. Espérandieu et ses patrons dont on ne pourra jamais savoir le contenu, le lecteur reste dans le doute. Comment savoir, en effet? On ne saura peut-être jamais.

Fin de l'histoire ? Oui, mais pas de l'interprétation. La question ne devrait pas être : « Arnaud Largadère a-t-il vraiment décroché son portable pour dire à Espérandieu d'étouffer l'histoire ? » Nous sommes censés penser que si que M. Espérandieu a agit librement, il n'y a aucun problème. Mais c'est là justement tout le problème. Personnellement, je préférais que Largardère ait dû téléphoner, menacer, car cela voudrait dire que la presse cherche activement à faire son travail, et qu'il faut une influence extérieure pour l'en empêcher. La version « non scandaleuse » (où Espérandieu agit seul) est bien plus inquiétante, car dans ce cas, la presse se musèle toute seule.

On objectera qu'Espérandieu pouvait avoir de bonnes raisons de ne pas publier l'abstention de Cécilia, sachant que « le vote est une affaire personnelle ». Oui, le contenu du vote est personnel, et c'est pour cela qu'il y a l'isoloir et l'envéloppe. Si Cécilia a voté pour Ségolène Royal, effectivement, ce n'est pas notre affaire. En revanche, le fait de voter ou non n'est pas privé. Le registre électoral est un document public. Rien ne vous empêche de passer le dimanche devant les bureaux de vote pour voir qui s'y présente. Nous sommes ici très loin des paparazzi qui poursuivent les célébrités jusqu'à dans leurs yachts... D'autant plus que les votes des hommes et des femmes politiques sont habituellement photographiés, filmés, relayés par la presse. On savait déjà que le mari de Cécilia avait voté sans sa femme. Et comme Cécilia va être la nouvelle Bernadette Chirac, il est permis de dire qu'elle est désormais une figure publique.

Pour revenir à l'essentiel de l'histoire, l'autocensure est bien plus grave que la censure. Si Largardère est intervenu, ce n'est pas sans un certain coût, un certain risque. Si Espérandieu savait tout seul qu'il devait cacher l'histoire, il n'a fait que faciliter la vie à ses censeurs.

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