12 décembre 2008
7 décembre 2008
L'empereur nu dans ses vêtements trop grands, ou l'art d'agacer
"Je suis libre en tant que président de la République française de mon agenda".
Dans le contexte, il s'agit d'être "libre" vis-à-vis de la Chine. Laissons l'essentiel de côté, pour se focaliser sur la petite bête. C'est ainsi que l'on reconnaît l'anti-sarkozysme primaire.
"Je suis libre [...] de mon agenda." Je fais ce que je veux. Pas si libre que cela, puisque le Très Grand Homme (TGH) a mis assez longtemps à se décider s'entretenir avec le Dalaï Lama autrement que par Bruni-Sarkozy interposée. Mais non, oublions tout cela : "je suis libre en tant que président de la République française de mon agenda". Le petit garçon qui ne cesse d'affirmer qu'il est "grand", qu'il fait ce qu'il veut, que t'as pas le droit de dire qu'il ne peut pas avoir encore un bon bon, etc.
"... en tant que président de la République française..." On l'aurait oublié, ça ? Si seulement c'était quelque chose qu'on pouvait oublier de temps en temps. Le TGH doit constamment nous le rappeler, explicitement, en mettant les points sur les "i" : République française, et non République populaire de Chine par exemple, malgré son admiration pour les politiques salariales de cette autre république.
Pourtant, il y a autre chose qui cloche dans cette phrase. "Je suis libre en tant que président de la République française de mon agenda". C'est peut-être lui. Il a eu tort, il semblerait, d'avoir fait l'impasse sur le monastère Corse où il devait apprendre à habiter la fonction. Il "l'habite" comme un garçon (petit garçon) porte un vêtement trop grand. J'étais comme ça, moi, petit : soucieux d'être plus grand, voulant toujours la taille au-dessus comme si ça me rendrait plus grand. J'avais 8 ans. J'ai changé depuis.
Ce qui cloche, donc, c'est ce "je" qui est accessoirement Président de la R. Accessoirement, comme le Philippe Patek est un accessoire. Il n'a pas compris qu'être Président n'est pas une liberté mais une responsabilité, une contrainte. Pas parce qu'il y a beaucoup de boulot, mais parce que, en tant que monarque élu, il est censé incarner cette République. Ce n'est pas malin de laisser supposer sans cesse qu'il ne serait pas à la hauteur.
Sarkozy, s'il avait compris cette distinction, aurait pu éviter certaines erreurs qui lui avaient, à l'époque, coûté assez cher en termes de popularité : le yacht, les escapades un peu trop voyantes avec une ex-top model. Il pensait qu'être Président était simplement un boulot où l'on pouvait décider de son propre salaire, mais qu'il pouvait exister, en tant que personnalité publique, à côté de ce métier. Cette phrase que cloche montre qu'il n'a pas vraiment changé. Sauf qu'aujourd'hui, le système a un peu évolué. Le "personnage" sert à distraire. Vous n'êtes plus obligé d'aimer Sarkozy. Car pendant que ses manières vous énervent, vous ne regardez pas l'essentiel, c'est-à-dire les actions réelles qu'il entreprend. Hortefeux sévit discrètement ; Darcos et Pécresse cassent, pour toujours, l'enseignement et la recherche, et ainsi de suite. Les aiguilles dans la poupée ne changeront rien. C'est jouissif, mais cela distrait du politique.
Sarkozy sait profiter du fait qu'il nous agace. S'il n'hésite pas à se rendre ridicule, en faisant appel contre la poupée par exemple, c'est que même ce ridicule lui sert de bouclier communicationnel, pour nous faire parler de lui plutôt que de ce qu'il fait.
2 décembre 2008
C'est pourtant pour ton bien
Lefebvre :
"Cela a été dans beaucoup de rapports. On dit qu'il faut le faire dès l'âge de 3 ans pour être efficace", a déclaré M. Lefebvre sur Europe 1. "Je ne suis pas un spécialiste, donc je ne déterminerai pas à quel âge il faut le faire", mais "quand vous détectez chez un enfant très jeune, à la garderie, qu'il a un comportement violent, c'est le servir, c'est lui être utile que de mettre en place une politique de prévention tout de suite", a-t-il ajouté.
Je vais tenter de ne pas trop me moquer de Lefebvre, parce que c'est trop grave et trop triste. Mais quand même. "Cela a été dans beaucoup de rapports" : c'est donc vrai. "Je ne suis pas spécialiste" : on s'en doute. "...donc je ne déterminerai pas à quel âge il faut le faire" : ah ? ce n'est donc pas le porte-parole de l'UMP qui décide comment il faut élever les enfants ?
Et surtout : "...il faut le faire..." Faire quoi ? "...mettre en place une politique de prévention..." Une "politique de prévention" ? Le gamin turbulent à la garderie va donc se retrouver nez-à-nez avec une "politique de prévention", concocté par l'UMP en plus, une politique rien que pour lui. Oui, une politique : du grec Polis, "la cité".
Avec pour but d'exclure le môme de la Cité, en le mettant en tôle dès 12 ans. (C'est pour son bien, il remerciera Lefebvre à sa sortie de prison.) Ou encore de garder les "enfants difficiles" pour toujours dans leurs cités.
Donc une politique de prévention, sur mesure, pour l'enfant de trois ans. Et qu'on ne se trompe pas, c'est beaucoup plus bâton que carrotte, aimer bien en châtiant bien. Eh, gamin, c'est pour ton bien. La souffrance de l'enfant ne sera pas pris en compte, son comportement ne sera pas vu comme un symptôme. Non, à trois ans, le gamin va être déjà responsable. A trois ans. Une bonne paire de claques et puis mange ta soupe.
Finalement, trois ans, ce n'est pas grand'chose. Lefebvre veut aller déjà plus loin.
"Moi je souhaite qu'on aille même sans doute un peu plus loin", sur "la question de la détection précoce des comportements", a-t-il ajouté.
Se rapprocher encore plus de la naissance. Faut-il y voir une quête de la mère ? L'UMP qui cherche à retourner dans l'utérus, avec une compagnie de CRS cette fois ? Avec des tazers ? Avec une politique de prévention ?
28 novembre 2008
La guerre contre les sachants
Nicolas Sarkozy n'aime pas les "sachants". Juan a le clip d'un TGH triomphant. C'était au mois de mai. Les derniers chiffres sur la croissance et le chômage étaient légèrement moins mauvais que prévus. Sarkozy s'exulte et s'en prend au "sachants".
"Je le dis à tous ceux qui m'expliquaient que tout était foutu et qu'on serait à moins de 2%", lance le président. "2,2% je ne m'en satisfais pas, il n'y a pas que quoi faire de l'autosatisfaction. Mais enfin, à tous ceux qui, à longueur d'articles et de commentaires, expliquaient que rien n'était possible, j'envoie ce chiffre", ajoute-t-il.
[...]
Dans sa démonstration, Nicolas Sarkozy ne s'est pas privé de dénoncer "le consensus des économistes, ceux qu'on appelle des sachants", en évoquant les chiffres de la croissance au premier trimestre 2008. "Il disaient que ça serait 0,3%, circulez il n'y a plus rien à voir. On a eu 0,64%", a-t-il relevé.
C'était seulement quelques mois avant qu'il ne se rende compte, avec quand même du retard sur certains des sachants, qu'il vivait alors les derniers jours d'une bulle dont l'éclatement allait faire de lui le grand critique des abus du capitalisme financier. Il avait raison d'en profiter pour pavaner un peu, lui qui aime tant pavaner.
Si je parle de cette journée à Melun, c'est à cause de ce mot : "sachants". Sarkozy s'en prend aux sachants. Les sachants étaient pessimistes, le Très Grand Homme avec son énergie légendaire et son Paquet invincible pensait avoir établi sa supériorité. L'ennemi, ce sont les sachants. Et j'en viens à la question du jour : pourquoi Sarkozy s'en prend-t-il à la recherche ?
Sous Raffarin, Les Inrockuptibles avait lancé une pétition pour dénoncer la "guerre contre l'intelligence". C'était un peu prétentieux, mais l'analyse n'était pas si erronée : la droite "décomplexée" reconnaît avoir perdu la guerre de la culture. Cette méfiance, inaugurée avec Raffarin, devient une déferlante avec Sarkozy, l'ennemi juré de la Princesse de Clèves (voir ici également). On n'imagine pas chez le TGH une passion pour quelque chose comme l'art japonais. La culture se limite à la télé, et encore.
Mais la recherche, c'est quand même pas pareil que les Scènes Nationales. La recherche, c'est censé être utile. Elle est même censée être une source de richesse pour un pays. Nicolas Sarkozy a même dit : "Si la France gagne la bataille de la recherche, elle gagnera la bataille de la croissance et la bataille de l'emploi". Alors pourquoi tant de haine ? Pourquoi obliger les chercheurs à descendre dans la rue, alors que ce sont justement eux qui devraient être les fantassins dans la "bataille de la recherche". Faut-il gagner la guerre contre les chercheurs pour ne pas perdre la bataille de la recherche ?
Si on regarde ce que les chercheurs reprochent à la réforme, on relève, entre autres, ceci :
Ils s'opposent notamment: [...]
à une modulation des services qui se traduira par un alourdissement des services d'enseignement pour la plupart des enseignants chercheurs
à la dépossession du CNU de tout rôle de gestion nationale des carrières des enseignants chercheurs (promotions, congés sabbatiques).
Autrement dit, on précarise les chercheurs et on leur enlève leur autonomie.
Par ailleurs, on voit qu'il s'agit de soumettre les chercheurs non seulement au "pilotage" gouvernemental mais aux lois du marché. Et on ne crée aucun poste :
Le projet de budget 2008 prévoit 6 millions d'euros supplémentaires (moins que l'inflation) pour la recherche universitaire, et aucun emploi nouveau permettant de favoriser l'activité de recherche, d'améliorer l'encadrement pédagogique et de faire face aux nouvelles missions dévolues à l'enseignement supérieur (orientation, professionnalisation).
Le but est visiblement de dompter les chercheurs, les gérer comme on gère le personnel d'un hypermarché, en essayant d'en sortir le maximum de bénéfices ou moindre coût : précarisation, concurrence, perte d'autonomie, absence de postes. Que des nouveautés pour endiguer la fameuse fuite des jeunes cerveaux ! Comme si le problème véritable était la paresse des enseignants-chercheurs. Or, je ne sais pas s'il y a une catégorie professionnelle où l'on se met, tout seul, autant la pression, où l'on passe autant d'heures "sup'" le soir devant son ordinateur, où il y a autant de concurrence pour si peu de gain personnel. Mais le pouvoir se méfie de l'intelligence, de l'autonomie. Le pouvoir préfère le pouvoir, la mise sous tutelle. Le pouvoir préfère affaiblir ses interlocuteurs plutôt que de les renforcer.
Il faut écraser les sachants. Tant pis pour la recherche après tout.
26 novembre 2008
Malaise
Martine Aubry est "élue" au poste de Première Secretaire ; la foire médiatique arrive à sa fin.
J'éprouve un étrange malaise, en tant que blogueur de gauche, blogueur d'opposition au sarkozysme triomphant. Permettez-moi quelques lignes de nombrilisme.
Au départ je pensais que le rôle des blogs politiques de gauche serait de seconder le PS dans sa lutte contre le sarkozyzme. Je constate maintenant combien j'étais naïf. Après une première année passée dans la critique quotidienne du Très Grand Homme (TGH), il m'est apparu que, dans cette Vème République quinquenassée où l'opposition n'a en général pas mieux à faire que de se quereller de toute façon, l'opposition des mots n'était utile qu'en présence d'une véritable et viable opposition politique.
C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à essayer de réfléchir, avec une forte dose de naïveté, sur ce que pouvait être une pensée de gauche un peu renouvellée. Depuis la désignation de Martine Aubry hier soir, je suis un coupé dans mon élan. Pas envie d'être une opposition à l'intérieur de l'opposition. Ce n'est pas la peine de tirer sur sa propre ambulance. Pas envie de simplement rallier cet appareil, la machine, que je fustige depuis longtemps. Pas envie de rejoindre le jospinisme qui a réussi à se survivre encore. François Hollande va nous manquer, parce qu'au moins avec lui rien ne se passait, on pouvait donc tout espérer.
Alors qu'est-ce qu'il faut faire ? Le traître anti-aubryste parmi les socialo-traîtres ? Je ne sais pas encore. D'où le malaise. Je sais seulement que cette designation me pousse vers un nouveau virage. Vers des réflexions un peu plus détachées du PS, vers une sorte de gauchitude plus abstraite. Peut-être. Je réfléchis.
25 novembre 2008
Rage against the machine
AFP :
"Il y aura une première secrétaire mardi soir, un nouveau vote est exclu", prédisait un haut responsable du Parti pour qui la décision sera "politique". Il ne se prononçait cependant pas sur l'issue de l'épreuve de force engagée par les royalistes. (C'est moi qui souligne, o16o.)
Chouette. Bravo le PS. La décision sera "politique".
J'espère que ces "responsables" mesurent les conséquences de ce qu'ils sont en train de fabriquer. Et la première victime sera Martine Aubry. Un doute permanent planera sur sa légitimité. Et elle sera plus que jamais reconnue comme une femme d'appareil, la représentante et le symbole d'une machine politique aux méthodes douteuse.
Seconde victime collatérale : le PS dans son affrontement avec la droite. Préparons-nous à des moqueries incessantes : qui êtes-vous, pauvre imbécile socialiste, à venir nous faire des leçons, alors que vous n'êtes pas capables de faire une simple élection chez vous ? L'argument fonctionne à toutes les sauces imaginables, dès que la moindre question morale se présentera.
Je suis sûr que Lefebvre a déjà une équipe au travail pour développer l'argumentaire. J'imagine Brice Hortefeux qui s'entraîne déjà à l'utiliser par écrit, à la radio et à la télé.
Pire encore, les militants PS seront une nouvelle fois les victimes de leurs instances. Et là je ne parle pas d'une moitié ou de l'autre, mais de tous. Si notre "haut responsable du Parti" a raison, et que la décision sera en fait "politique", ce sont tous les militants qui auront été privés de leur voix, puisque finalement aucune voix n'aura compté.
Martine Aubry sera donc une première secretaire affaiblie. Et elle aura à gérer la colère des militants que l'on n'aura pas écoutés. La rage contre la machine en est sans doute à ses débuts...
(La lecture de ce document devrait faire rager d'ailleurs tout le monde.)
23 novembre 2008
La démocratie n'est pas légère
La démocratie n'est pas quelque chose de légère. C'est tout ou rien.
Et l'UMP ?
En cette période trouble, on lit à peu près partout que l'UMP se délecte, se gausse. Lefèbvre sort un communiqué à peu près toutes les heures. On ne va pas leur en vouloir, c'est même le cadet des soucis de la gauche.
J'aimerais pourtant voir une vraie élection à l'UMP. Car quand ils veulent, nos responsables de droite sont assez forts pour le crêpage de chignon et autres méchancetés. Quand on dit que c'est la droite qui a dénoncé le HLM parisien de Juppé pendant qu'il était premier ministre...
Donc une vraie élection à l'UMP, Devedjian contre Copé, par exemple. Pas un vote soviétique :
En novembre 2004, Nicolas Sarkozy avait été élu président de l'UMP avec 85,1% des voix, contre 9,10% au député souverainiste de l'Essonne Nicolas Dupont-Aigna et 5,82% à la député des Yvelines Christine Boutin.
Ou encore Sarkozy désigné candidat avec 98,1 % des suffrages. Voilà qui est beau, qui est fort. 50%, c'est un score de gonzesse. 98,1% c'est la démocratie en marche.
Le problème
Le problème, c'est que la démocratie ne se résume pas à glisser un bout de papier dans l'urne. Il faut aussi une certaine culture, des institutions.
Personne ne semble contester le fait qu'au PS, il n'y a pas si longtemps, les pratiques n'étaient pas particulièrement démocratiques. Sans parler du non-respect fabiusien du vote sur le TCE, les pratiques électorales suivaient en général les rapports de force plutôt féodaux. Les militants étaient là pour donner une légitimité à des décisions prises par les seigneurs.
Cette fois-ci, ce n'est pas pareil. Comme pour la designation de la candidate de 2007, vendredi soir le choix était vraiment laissé aux militants. En soi, vu de loin, c'est une très bonne chose. Un progrès. De l'avance sur l'UMP.
Seulement, par malheur, le vote est très serré. Bien trop, car nous arrivons aux limites de la précision électorale dont le PS est capable. C'est sûr qu'à 98,1 %, on peut oublier une section ou deux. A 42 voix, une pression énorme est mise sur chaque acte de chaque responsable dans le décompte du scrutin de vendredi soir. La machine n'est pas assez fiable, tout simplement. Jamais dans l'histoire du PS il n'a été nécessaire d'avoir une précision à la centième d'un pourcent.
Et là je ne parle que des "erreurs". Car l'autre problème avec la démocratie, ce que l'on constate dans les "démocraties émergentes" (catégorie dans laquelle il faudrait désormais inclure le PS), c'est qu'il est compliqué de protéger le processus des intérêts des uns et des autres. Ceux qui organisent l'élection ont des intérêts quant à l'issue. Le soupçon n'est jamais très loin.
Ainsi, quand on commence à être démocratique, il faut l'être jusqu'au bout. Il faut compter toutes les voix, il faut être rigoureux.
Pourquoi il est important d'avoir une vraie élection et pourquoi l'unité n'est pas tout ce qu'on dit
Il faut compter toutes les voix. Et il faut respecter le resultat. Il suffit d'une majorité d'une voix. Si toutes les parties sont confiantes que la voix qui sépare les deux camps est en réalité une voix. Sans cette confiance, tout est au mieux aléatoire, au pire truqué.
On entend beaucoup de cris en faveur du rassemblement, de l'unité. Allez, il faut oublier tout ça et commencer à bosser ensemble. Il faut protéger l'image du PS. Mais cette image est en lambeaux. Aujourd'hui il n'y a pas grand'chose à sauver en termes d'image de marque.
Depuis des années on fustige les synthèses molles à la François Hollande. L'unité que l'on nous propose aujourd'hui serait la plus molle de toutes, l'unité fabriquée dans une crise bien plus grave que le désaccord sur le TCE au Mans. Une synthèse paralysée, paralysante. Non, il faut une victoire et une défaite. Il faut une certaine clarté pour sortir de la confusion actuelle.
Car le niveau de colère produit par les récents évenements ne s'explique pas par une simple préférence de personnes. Depuis longtemps, on dit sans cesse : "au PS, il n'y a plus de débat d'idées, seulement des guerres de personnes". Si ce n'est pas entièrement faux, le vote de vendredi soir et les émotions qu'il a produites montrent à quel point nous sommes à un moment décisif, devant un choix entre deux façons de concevoir la politique et la gauche. Même les socialistes ne s'énervent pas autant pour une différence de coupe de cheveux ou couleur de tailleur. Une question de style ? Oui, mais le style est important, le style est fondamental, le style n'est pas léger.
Aujourd'hui la synthèse est impossible. Il est impossible de "se remettre au travail" puisque personne n'est en mesure de déterminer comment ou vers quoi exactement il faut travailler.
Il est essentiel de trancher. Il est tout aussi essentiel de que la décision prise cette semaine soit légitime et authentique. Chaque heure, ou presque, apporte son lot de nouvelles abérrations électorales. Nous ne pourrons pas reconstruire, même avec des techniques chirurgicales très avancées, le vote d'hier en rajoutant ici et en retranchant là. Il faut donc un vrai vote.
Tant pis si l'UMP rigole. Leur tour viendra un jour.
22 novembre 2008
42 voix
Sur l'issue du vote au PS, lisez Marc Vasseur.
Si j'étais socialiste je ne serais pas fier.
Mais je ne suis pas fier de ne pas être socialiste. A supposer que mon vote aurait compté...
21 novembre 2008
Avec le changement les choses sont différentes
Ce matin Nicolas J. (qui n'aime pas beaucoup Ségolène Royal... je crois qu'il ne m'en voudra pas de le dire ainsi), regrettait son score à peu près correct dans le vote d'hier soir :
je suis déçu car c'est une certaine idée de la gauche que j'avais en moi qui disparaît.
Une certaine idée de la gauche...
Je comprends le sentiment même si je ne le partage pas. (Son blog ne s'appelle pas "partageons mes sentiments" après tout.) Personne ne peut dire exactement ce que cela signifie d'être à gauche, de gauche, et pourtant nous avons chacun une certaine idée. Ou plutôt un ensemble assez vague d'idées, de souvenirs, de valeurs, de références historiques (Jaurès n'aurait jamais dit ça...).
Notre idée de la gauche est quelque chose d'assez flou, nécessairement. C'est tout juste ce qu'il faut pour s'y reconnaître.
Pourtant, depuis des années, et surtout depuis deux ans, il y a comme une évidence : il faut changer les choses au PS. A un moment je n'en pouvais plus d'entendre parler d'un "changement de logiciel". Même Martine Aubry promet de tout rénover (mais en gardant la même équipe). Il semble essentiel d'arrêter de perdre les élections nationales. Et voilà : le socialisme dans lequel depuis longtemps on a pris l'habitude de se reconnaître, en y croyant quand même, s'avère incapable de gagner des élections autres que locales. Certaines des analyses de la gauche ne sont plus pertinentes depuis la fin des Trente Glorieuses. Le consensus est qu'il n'est pas prudent de continuer comme ça.
Le problème avec le changement, c'est que ça change. Quand on change quelque chose, après ce n'est plus pareil. On risque de ne pas s'y reconnaître au début. Pire encore, avec le changement, on sait ce qu'on perd mais on ne sait pas ce qu'on gagne.
Si on ne se reconnaît pas, socialistiquement parlant, en Ségolène Royal, c'est qu'elle représente un vrai changement. Avec les risques que cela représente. Mais si elle paraissait aujourd'hui parfaitement à gauche, au sens où l'on entend la gauche depuis quinze ou vingt ans, c'est qu'elle n'aurait qu'un plat réchauffé à proposer.
Il n'y a plus le temps de tout développer, mais je reste persuadé que le champ d'action de l'État (de gauche) et les moyens d'intervention dont disposerait un État aux intentions gauchisantes vont se modifier profondément dans les années à venir, vers un modèle bien moins centralisé et étatiste. C'est en modifiant les paramètres des acteurs économiques, notamment les entreprises, qu'une véritable politique sociale pourrait voir le jour. Cette gauche là ne va pas ressembler, à à la surface en tout cas, celle que nous avons connue.
Et c'est pour cette raison que je souhaite que les militants socialistes choisiront Ségolène Royal ce soir, contre une pensée et une pratique du socialisme qui ne sont plus d'actualité.
20 novembre 2008
Tiercé
Le Congrès était loupé, et moi j'ai loupé le Congrès. Hormis le premier soir, je n'ai pas pu le suivre du tout. Un peu frustrant ce sentiment de ne pas avoir vécu, fût-ce de loin et à travers les témoignages et analyses, lus après coup, des Left_blogueurs intrépides qui ont fait le voyage.
Ce soir les militants socialistes vont encore une fois voter et si j'ai bien compris, ils auront sans doute à voter une nouvelle fois si aucun candidat ne dépasse les 50%. Des mauvaises langues s'élèvent déjà pour dire que quelle que soit le choix des militants, aucune des deux premières secretaires potentielles ne sera légitime, et l'on nous promet encore des années de chamailleries.
Reveillez-moi en 2022. Ou pourra-t-on encore entendre des anciens au bistrot en train de dire : "... mais le vote dans les Bouches du Rhône..." ou encore : "ce n'était rien à côté du vote au canon dans la fédé du Nord" ?
Le triste spectacle de ce congrès me fait penser à une institution qui essaie de ne pas changer, qui est prêt à tout pour éviter de changer. L'alliance fabiuso-DSKïste derrière Martine Aubry montre à quel point ce ne sont plus du tout les idées, les courants, les théories du social-ci ou de l'économique-ça, ou même le positionnement plutôt à gauche-gauche ou plutôt à gauche-droite qui déterminent les alliances. Tout simplement, un clan, un caste fait de la résistance.
Enfin, pas seulement. Pas seulement un clan, mais un ensemble d'idées, une certaine culture de groupe, qui n'ont rien de détestable, mais qui ont contribué à maintenir le PS dans la situation où elle se trouve.
Juan nous demande de donner notre "tiercé" pour le vote de ce soir. C'est facile :
- Ségolène Royal. Elle n'est pas forcément la femme providentielle, mais elle est la seule qui bascule véritablement les choses. C'est pour cette raison que la carpe socialiste et le lapin social-démocrate se liguent contre elle.
- Benoît Hamon. Il représent malgré tout une nouvelle génération, son élection aurait une bonne influence sur le parti. A condition qu'Hamon résiste à sa récupération par les éléphants encore trop puissants. Sur le plan idéologique, il est regrettable en revanche qu'il ne fait qu'occuper un créneau néo-fabusien qui n'apporte rien de neuf.
- Martine Aubry. Loin derrière les deux autres, Aubry représente la survie du jospinisme, le maintien au pouvoir des mêmes, toujours les mêmes. Son ancrage à gauche se résume à dire que le PS continuera à faire comme il a toujours fait. Plus encore que feu Bertrand Delanoë, Aubry représente à mes yeux le système en place.
Et voilà. Faute de placer un bulletin dans l'urne, j'aurai rempli mes cases PMU.
14 novembre 2008
Marché du travail (2) : désordre dynamique
Avant hier, j'ai commencé à parler du travail, en mettant un petit "(1)" à côté du titre, comme si j'allais revenir. Autant dire les choses tout de suite : j'ai le sentiment que la question du rapport capital-profit-travail va être, ou devrait être, l'une des grosses questions socialistes des années à venir.
Je ne veux pas dire pour autant que c'est ainsi qu'il faille poser la question, avec ces mots : "capital", "profit", "travail", mais en tout cas c'est avec eux que nous commençons à comprendre le problème.
En néophyte je suis en train de lire Adam Smith, La Richesse des nations, l'origine de la fameuse "main invisible". Il paraît que ce sont les les néo-classiques qui ont fait de cette main celle du libéralisme bienfaisant, le chaos économique devant être magiquement bénéfique à tous. Smith lui-même ne l'aurait utilisé trois fois dans toute son oeuvre. Ce qui ne m'étonne pas beaucoup : Smith me paraît étrangement conscient des souffrances des uns et des autres. Quand il parle des écossaises qui mettent une vingtaine d'enfants au monde pour en voir deux atteindre l'âge adulte, et qu'il y voit une conséquence du marché du travail, on se dit qu'il n'est pas si optimiste sur les intentions de la Main qu'il a inventée. On était en 1776 quand même.
Mais ce qui est intéressant chez Smith, et là malheureusement je n'ai pas le bouquin sous la main pour donner des citations, c'est que son analyse de la rémunération du travail insiste bien sur le fait que c'est un marché, et qu'un salaire ne reflète pas nécessairement la valeur produite par le travail du salarié, mais simplement ce que cela coûte d'acheter ce travail sur le marché, ce que cela coûte pour trouver quelqu'un pour faire tel ou tel travail. Et ainsi, la valeur du travail n'est pas directement liée à la valeur de ce que le travail produit. Naturellement, l'employeur a tout intérêt à payer le moins possible.
C'est en lisant cette représentation assez simple du marché du travail que j'ai compris, soudain, que m'est apparue comme une supercherie l'idée selon laquelle une augmentation de la productivité est la condition nécessaire pour une hausse des salaires. Si l'augmentation ne transforme pas le marché du travail, elle n'aura d'effet que sur les profits, l'intérêt de l'employeur étant encore une fois de payer le moins cher.
Qu'est-ce qui détermine la nature du marché du travail ? Par exemple, si on ne paie pas ses ouvriers assez pour qu'ils puissent se reproduire (voir plus haut l'exemple des mères écossaises), leur nombre diminuera, ce qui rendra plus cher leur travail, entraînant une hausse de leur rémunération, un taux de survie un peu plus élevé, mais pas trop.
Plus intéressante encore, est la relation entre le caractère statique ou dynamique d'une économie et la valeur du travail. Dans une économie très statique comme celle de l'Angleterre du XVIIe siècle, même si beaucoup de richesse est produite, les salaires sont assez bas par comparaison avec les colonies de l'Amérique du Nord, où l'expansion économique permanente crée une demande sans cesse croissante de main d'oeuvre avec une augmentation spectaculaire des rémunérations.
Quand je réinterpréte tout cela dans des termes qui me sont familiers, il me semble que le risque pour l'emploi, c'est le figement des structures de l'économie. Une économie dominée par des grosses entreprises, toujours les mêmes, toujours à la recherche d'économies par la réduction du nombre de postes, se fige. Même si des richesses sont produites, le marché du travail ne sera pas favorables aux salariés.
L'une des solutions au problème c'est bien sûr le syndicalisme. On objectera que la Main Invisible n'aime pas le syndicalisme, qui pourrait fausser la libre concurrence. Curieusement, Adam Smith fait remarquer que les arrangements entre patrons sont bien réels et que, en 1776, personne n'en parlait, tandis que toute forme de syndicalisme était interdite.
Plus profondément, il me semble qu'au moins une partie de la solution est dans l'organisation de l'économie. Je me place à nouveau du côté des petites structures : les PME contre les grands groupes, les logiques de proximité contre la centralisation capitaliste. Dans une économie où les initiatives de plus faible échelle ont leur chance, on peut espérer retrouver un marché de travail en mutation permanente.
C'est là où l'on pourrait espérer des innovations de la part du Parti Socialiste. La concentration du pouvoir économique n'est pas favorable au salarié. Un peu de désordre innovant pourrait être propice.
9 novembre 2008
Le marché du travail (1)
Avec chaque nouveau plan social qui se présente, avec chaque série de licenciements, ceux qui ont soutenu Nicolas Sarkozy en 2007 doivent se demander comment il est possible qu'en ce temps de crise, le nombre de fainéants et d'assistés augmente, alors que justement la pauvreté et la précarité généralisées devraient leur donner plutôt envie de se lever tôt et de bosser dur.
Etrange comment le rétrecissement du marché du travail va de paire avec une expansion de la fainéantise. C'est de la psychologie économique. Il faudrait créer une nouvelle branche de la science pour expliquer comment l'envie de rester dormir le matin est motivée par d'obscures réalités économiques. C'est peut-être un peu comme la relation entre les planètes et la vie des hommes...
Il me faudrait une rubrique qui s'appelerait Qu'on m'explique... Voici ma première question : lorsqu'il n'y pas assez de postes à pourvoir pour tout le monde, quel intérêt y a-t-il à rendre tel ou tel groupe plus compétitif, les jeunes, les seniors...? N'est-ce pas simplement pour prendre des postes à d'autres ? Je comprends l'intérêt de rendre plus compétitifs ceux qui sont les plus exposés à l'exclusion. Mais la formation, ou même les coups de pieds aux fesses ne peuvent jamais être une solution globale, lorsque ce sont simplement des postes qui manquent. Je pense que l'idée fondamentalement sarkozyste selon laquelle c'est le travail qui crée le travail va être mise à rude épreuve. Par contre, le chômage qui crée le chômage, peut-être.
7 novembre 2008
Sur l'abstention des militants PS
Très brièvement... Dans son billet sur le vote des militants, Nicolas soulignait le fait que seulement 55% des militants s'étaient exprimés, ce qui a l'air d'être un score bien tristounet. Et Nicolas peut ainsi dire :
on se retrouve avec 85% des membres d'un parti politique qui n'ont pas soutenu la ligne maintenant présentée comme majoritaire !
Je ne vais pas prétendre être un expert sur le fonctionnement interne du PS, mais je viens de tomber sur ce Tchatte au Monde où le journaliste interrogé explique :
Lors du congrès du Mans, le taux de participation était bien supérieur puisqu'il était de l'ordre de 80 %. Toutefois, il faut prendre en considération le fait que ce taux de 55 % se rapporte aux membres du PS qui avaient la possibilité de reprendre leur carte au dernier moment. Or, parmi cette population, on compte un grand nombre d'anciens adhérents à 20 euros qui, pour certains d'entre eux, n'ont fait que passer et qui se sont depuis longtemps déjà éloignés du PS. Il faut donc relativiser ce taux de 55 %, mais il ne faut pas non plus le passer par pertes et profits. D'ailleurs, tous les dirigeants du PS considèrent que c'est un niveau de participation qui est préoccupant et qui est le signe d'un malaise des socialistes.
Les 55% correspondent donc à l'ensemble des votants possibles, y compris ceux qui ont laissé tomber définitivement le PS et n'auraient jamais voté de toute façon, surtout ceux qui étaient entrés à 20 euros et qui n'ont pas envie de règler la cotisation bien plus salée qui les attendait.
Il faut donc relativiser, et relativiser la relativisation.
Vote des militants : tant mieux !
Tant mieux. Ségolène Royal a déjoué les pronostics, les militants socialistes, même un peu fatigués de tout cela, ont montré que, plus ou moins, ils n'étaient pas vraiment satisfaits du status quo à l'intérieur de leur parti.
Tant mieux. Je parlais l'autre jour de l'attente que nous, peuple de gauche, commencions à avoir vis-à-vis des dirigeants et des (ir)responsables de gauche, attente rendue plus vive par tout le symbolisme de la victoire d'Obama. Mais même sans Obama, cette attente était légitime, naturelle. Elle aurait dû être assourdissante, si nos médias écoutaient un peu plus les militants et un moins les chefs et sous-chefs. Le fait que Ségolène Royal était si longtemps, pendant des mois, présentée par les médias comme la grande perdante du vote d'hier soir est là pour nous rappeler à quel point la représentation dominante de la politique dépend des avis d'un tout petit groupe d'élus. Et pour nous rappeler qu'ils peuvent se tromper.
Le succès et Ségolène Royal et celui, tout relatif, de Benoît Hamon, montrent aussi que les militants du PS ne veulent pas reprendre les mêmes pour recommencer. La page du jospinisme commence à tourner.
Malgré un taux d'abstention assez élevé, les militants n'ont pas, la plupart du temps, voté selon des consignes féodales. La direction actuelle est sanctionnée. Tant mieux. C'est l'intérêt des élections : les chefs ne peuvent pas décider des resultats à l'avance. Marc Vasseur s'inquiète tout de même :
Deuxième source d'inquiétude pour moi, la balkanisation du PS. En effet, j'ai énormément de mal à comprendre, ou trop bien, les écarts à la moyenne des différentes motions dans certaines fédérations... Bouches du Rhône, Nord, Pas de Calais, la liste est longue où ces écarts sont supérieurs à 30%... pour moi ce n'est pas une bizarrerie ou la faute à pas de chance ; c'est le signe d'une démocratie interne qui va mal très mal et la trop grande prégnance des élus et des potentats locaux.
Aujourd'hui je suis d'humeur optimiste. La féodalité du PS n'est pas morte, mais on peut quand même espérer que ce vote contre la direction, contre les attentes de la direction, contre le dauphin choisi par François Hollande, fera que les nouveau responsables seront désormais de prêter un peu plus d'attention aux militants en les considérant moins comme des pions à placer que comme une interface avec la société.
Je suis optimiste aussi parce qu'il me semble que Ségolène Royal semble avoir compris que le PS doit s'agrandir, devenir un parti de masse. Rendre le statut de militant plus accessible, ouvrir les portes et les fenêtres aux sympathisants : voilà ce qui pourrait endiguer la tendance dangereuse d'une notabilisation du parti.
6 novembre 2008
La blogoss attitude, c'est quoi ?
Juan m'a tagger. C'est l'heure de la Blogoss attitude. Voici ce que je dois faire, ce que je risque :
Principe : Sur la base de 5 définitions de la blogoss-attitude, tu dois nommer un blog ami ou pas et dire pourquoi …
Tu dois informer les blogs nommés, charge à eux de continuer la chaine … si par malheur, tu venais interrompre la chaine, ton blog sera frappé des pires malheurs … poursuite en justice par l'UMP, plus aucun visiteur, une suppression immédiate du classement WIKIO, plus aucun réferencement dans GOOGLE et un mal de crane pendant 3 jours ...
C'est donc grave. Qu'est-ce que la Blogoss attitude? C'est multiple, il faut répondre par des blogs. Alors...
Blogoss Bad
"Bad" au sens de "Bad-ass" comme disait Juan, ou encore "Bad" comme le chantait Michael Jackson.
J'aurais mis Dagrouik dans cette catégorie, pour son mode "attack-total" lorsqu'il s'en prend à quelqu'un. Mais Dagrouik a promis une punition particulièrement sévère à tous ceux qui pourraient le mettre dans une quelconque chaîne. Mais Dagrouik n'est pas l'unique option pour cette catégorie. Il y a heureusement d'autres options. Comme Donatien, qui ne doit pas souvent écouter Michael Jackson ces jours-ci. On n'a pas forcément envie d'être la cible de Donatien. Les UMPistes sont prévenus.
Blogoss Mad
"Mad" comme "fou" ou comme "en colère" ? Ce n'est pas précisé dans le mode d'emploi, mais comme c'est dans cette rubrique que Juan m'a classé, je vais choisir celui-ci plutôt que celui-là. Mais au vu de son pseudo, avec kamizole on peut mélanger les deux. Kamizole n'est pas contente. Kamizole propose un "indice de la connerie" pour accompagner les autres indices financiers.
Blogoss top
Gaël se la joue modeste. C'était pour mieux dissimuler ses super-pouvoirs. Et désormais c'est loupé : on a enfin reconnu son statut de zinfluent. Gaël mérite cette rubrique parce qu'il respire la blogosphéricité et il en maîtrise, avec son style de Boulet, toutes les techniques. (Ah zut ! c'est lui qui avait taggé CC... Tant pis, c'est peut-être moi le boulet.)
Blogoss life
Monsieur Poireau est blogueur politique. Mais pas seulement (et je ne parle même pas de ses autres incarnations). Surtout, il a le don d'articuler langage, politique, vie et web dans une tonalité que l'on ne trouve que chez lui.
Blogoss attitude
Jon a commencé à bloguer il n'y a pas si longtemps, mais il était déjà connu, en tant que commentateur de luxe, et en tant que touitteur au Tinyurl plus vite que son ombre. Car à fréquenter Jon, on se rend compte qu'il toujours un lien pertinent qu'il peut déclencher en quelques secondes. Mais de lecteur, Jon est devenu blogueur avec son blog militant qui aurait pu figurer dans toutes les autres catégories de ce classement.
Et voilà, ouf. Suis quitte, j'évite la malédiction. Pour l'instant.
5 novembre 2008
L'attente
Les récupérations du succès historique de Barack Obama avaient commencé bien avant l'élection d'hier. Nicolas Sarkozy l'avait déjà appelé son "copain" il y a quelques mois, et Mediapart a mis en avant les tentatives UMPistes de tirer la couverture Obama vers eux. Et on connaît bien la rengaine sur l'idée qu'en France, les conservatismes sont à gauche.
Il faut d'abord répondre à notre Très Grand Homme (TGH) qu'il est difficile d'être à la fois le "copain" de George W. Bush Jr., worst president ever, et le copain de Barack Obama, élu dans l'espoir qu'il pourra réparer les dégâts provoqués par son prédécesseur. Cette opération de com' élyséenne ne mérite même pas la réfutation, et il semble bien qu'il s'agisse d'une énième tentative d'occuper un créneau dans l'imaginaire politique français pour y précéder les éventuels socialistes qui pourraient songer à établir la comparaison en leur propre faveur.
Et c'est à gauche que la question a une importance véritable. Non pour décider qui, entre Martine Aubry ou Bertrand Delanoë, ressemble davantage à Barack, mais sous la forme d'une exigence un peu plus aiguë, une attente un peu plus forte : il serait tellement bien que quelque chose de positif sorte du Congrès socialiste. Le succès d'Obama, sa valeur symbolique, l'image optimiste qu'il projette ne peuvent que souligner l'aspect blafard du débat politique de gauche, du moins au plus haut niveau. (Je ne veux pas dire que le niveau du débat soit supérieur à droite : la droite semble s'en passer très bien.)
Malheureusement, le Congrès de Reims va sans doute fournir les bases de la conduite du PS au moins jusqu'en 2012. Il y a de temps en temps quelques petits signes encourageants, mais dans l'ensemble rien ne laisse espérer qu'un nouvel élan se prépare. Pourtant, il le faudrait. Les jeux mesquins de positionnement ne produiront rien de bon. La politique en 2007, en 2008, en 2012 ne sera pas une guerre de position mais une guerre de mouvement. Le PS ne retrouvera pas des électeurs grâce à la technicité d'un programme assez subtile pour satisfaire l'ensemble des égos de la gauche, mais grâce à un message qui pourra se communiquer.
Il faudrait que cela tienne dans une phrase. "Travailler plus pour gagner plus" était ridicule, mais efficace. "Yes we can" n'est pas un programme, et pourtant...
Mon souhait pour ce Congrès de Reims est ceci : le contraire d'une synthèse molle. Si pour y arriver il faut se crêper le chignon, s'entredéchirer entre camarades, tant pis. L'illusion de camaraderie ne trompe plus personne. L'équilibrisme gestionnaire ne peut plus rien donner. Les enjeux sont énormes.
31 octobre 2008
"Pacte moral" : la chute (de la blague)
Bref retour sur le "pacte moral" (que CC avait relevé en même temps que moi ce matin).
Après avoir lu ce papier dans sur Le Monde, qui annonçait que le TGH menaçait les banques avec la perspective d'un "pacte moral". Quelques minutes, ou une heure ou deux, le même Monde sort une nouvelle version, complète, du même papier avec un nouveau titre : "Les banques françaises sous la menace d'une nationalisation partielle".
Et cette fois-ci, on voit que derrière le pacte moral, il y a la possibilité, en effet, d'une "nationalisation partielle" :
Renonçant aux actions, l'État s'est privé d'un ticket d'entrée au conseil d'administration des grandes banques. "Si la crise financière nous oblige à puiser encore dans l'enveloppe des 40 milliards, on réfléchit à une entrée au capital" indique une source gouvernementale. Car, pour le moment, l'exécutif n'est pas satisfait de l'attitude des banques. Certes, le taux de refinancement interbancaire, l'Euribor, est repassé sous les 5 %, signe que les banques se refont confiance mutuellement.
Mais, sur le terrain, les entreprises n'en perçoivent pas encore les effets.
En gros, même Le Monde constate que le cadeau fait aux banques n'était qu'un cadeau, qui a aidé les banques sans aidé le pays. Le problème des prêts interbancaires n'était qu'un problème technique, la véritable catastrophe sera économique : les banques ne font pas confiance aux PME qui sont les plus exposées à la crise, n'étant pas "trop grandes pour échouer".
La communication sarkozyste est peut-être à son plus fort quand elle doit transformer les échecs en nouvelles occasions de gesticulations hyperactives et rallonges de talonnettes. L'échec des 10 premiers milliards, est dû essentiellement à la timidité présidentielle qui n'a pas osé aller contre la volonté des banquiers, à la différence par exemple des Anglais pourtant réputé ultra-méga-libéraux et post-blairistes, sans parler des Américains... Pour couvrir cet échec, Sarkozy sort donc le "pacte moral" (rires) et la menace d'une participation de l'État... lorsque l'on puisera un peu plus loin dans les 40 milliards réservés aux banques.
Non seulement la ferveur du TGH est destiné à couvrir le premier échec, mais aussi prépare le terrain pour une seconde distribution de milliards, ce qui signifierait un échec encore plus grave : nos fleurons bancaires seraient donc bien plus menacés qu'initialement annoncé.
Ce qui ne m'étonnerait pas beaucoup.
La blague sarkozyste du jour : "le pacte moral"
Sarkozy parle aux banques !
"La République a besoin de vous", leur a-t-il dit, parlant de "crise financière et économique sans précédent". "Engagez-vous totalement dans la lutte contre la crise", a-t-il ajouté.
"Chacun est placé aujourd'hui devant ses responsabilités. Il y a un pacte moral et ce pacte moral, c'est de vérifier que chacun de ses collaborateurs, dans la dernière des agences, le respecte." Or, pour le président de la République, "ce n'est pas encore le cas".
Pauvre garçon ! Après avoir donné aux banques tout ce qu'elles demandaient et plus, voilà qu'il se rend compte que sauvées elles sont désormais libres de faire tout ce qui leur plaît, même si c'est au détriment de la République.
Quoi ! Les banques ne s'engagent pas auprès du Très Grand Homme (TGH) dans la guerre sainte contre la crise, préférant plutôt se protéger ? Le pauvre TGH en est réduit à sortir un "pacte moral" de derrière les fagots pour leur mettre la pression, puisqu'il n'a plus aucun autre lévier.
Martine Orange, sur Mediapart, avait très bien formulé le problème :
En échange de 10,5 milliards d'euros, le gouvernement ne demande rien ou presque: ni actions, même sans droit de vote, ni droit sur les bénéfices futurs, ni révision des rémunérations des dirigeants. Les milliards vont être distribués sous forme de prêts subordonnés d'une durée de dix ans, assortis d'un taux d'intérêt de 8% par an. (La répartition des aides figure dans l'onglet Prolonger.) Les banques qui y souscrivent s'engagent à adhérer à un code de bonne conduite, calqué sur la recommandation du Medef sur les salaires des dirigeants.
En échange des 10,5 milliards, la France a obtenu des banques qu'elles suivraient les recommandations du MEDEF sur les salaires. Rien d'autre.
Et puis nous avons obtenu un "pacte moral". Les banques doivent en rigoler encore, du "pacte moral". Rigolons avec eux pour une fois.
30 octobre 2008
Le pouvoir et l'argent aiment le pouvoir et l'argent
Vous ne trouvez pas que je radote ? Depuis quelques mois, j'ai l'impression de bloguer par séries, essayant dans chaque billet de dire ce que je n'ai pas réussi à dire dans le précédent. Et ainsi de suite.
Dernier exemple : les fonds souverains que nous propose notre Très Grand Souverain. Voici le paragraphe que j'ai dans la tête depuis deux ou trois jours :
"Il s'agira d'investir dans l'avenir. Il ne s'agira pas de subventionner des entreprises à fonds perdus mais de stabiliser des entreprises qui pourraient être des proies pour les prédateurs", indique Nicolas Sarkozy en dénonçant au passage "l'action délétère des hedge funds". Volontariste, le président de la République "ne veut pas être celui qui se réveillera dans six mois avec les grands groupes industriels français passés dans d'autres mains". Selon lui, un tel fonds peut également "rendre beaucoup de services à des petites entreprises innovantes".
L'autre jour j'ai voulu suggérer que "nos" groupes ne sont déjà plus français. Nous sommes déjà réveillés, pas besoin d'attendre six mois. De la même manière qu'une partie des grands groupes "étrangers" appartient à des actionnaires français, seule une partie des groupes "français" appartient véritablement à des Français. C'est ainsi. Talonnettes et gesticulations n'y feront rien.
Hedge funds. Avant cette crise, je ne savais pas grand-chose sur les hedge funds, sauf que, vaguement, ils protégeaient les investisseurs contre les chutes des marchés en pariant contre des valeurs en bourse. (Je ne comprends toujours pas comment on peut avancer en pariant à la fois pour et contre les mêmes valeurs, mais ce n'est pas mon affaire.) L'intérêt des hedge funds pour des spectateurs (non spéculateurs), et leur façon d'acheter à découverte, c'est que nos supers investisseurs peuvent se prendre des énormes gamelles de temps en temps, comme l'autre jour, quand Porsche a décidé d'acheter un peu plus de Volkswagen, alors que les hedgeurs avaient parié contre Volkswagen. Vent de panique, l'action VW monte en flèche, les hedgeurs ne trouvent plus de titres VW à acheter. Lisez l'explication, c'est du plus grand comique. Des milliards perdus pour les hedge funds, des milliards gagnés pour les actionnaires VW...
Je n'ai pas vraiment compris pourquoi les hedge funds sont si dangereux, mais j'admire malgré tout leur pessimisme mélangé de cynisme. Lisez aussi, chez Betapolitque, cette lettre d'un gestionnaire de hedge fund qui jette l'éponge après avoir plumé des riches pigeons, profitant de leur optimisme stupide. (La lettre elle-même est ici, en anglais. Elle se termine par un appel à cultiver le chanvre...)
Revenons quand même à notre paragraphe.
"Il ne s'agira pas de subventionner des entreprises à fonds perdus mais de stabiliser des entreprises qui pourraient être des proies pour les prédateurs",
Ceci n'est donc pas un cadeau aux entreprises, même si, bien sûr, le risque des prédateurs est minime, ou encore totalement fantasmatique. Pas de subvention, juste une façon de protéger les fortunes de ces Français qui ont investi d'abord dans des entreprises "françaises".
Le plus franchement cynique, dans ce paragraphe, c'est sans doute la fin :
Selon lui, un tel fonds peut également "rendre beaucoup de services à des petites entreprises innovantes".
On va sauver les petites entreprises en sauvant les grosses. La théorie du ruissellement appliquée à l'aide aux entreprises. C'est cohérent au moins : puisque la même approche a si bien marché avec le Paquet, il serait absurde de changer.
L'ironie, c'est que ce sont justement les PME qui ont le plus de mal en ce moment, qui sont le plus menacées non pas par l'absence de crédit mais par la méfiance grandissante des banques (bénéficiaires de leurs propres milliards...). PSA et Lagardère ne vont pas disparaître demain. Le petit fabricant de tire-bouchons traditionnels, si. Et ce sont les PME qui sont authentiquement françaises. S'il fallait vraiment faire du patriotisme économique, ce sont eux qu'il faudrait sauver d'abord.
Mais non. L'étatisme, la consolidation du pouvoir, le copinage : toutes ces forces contribuent à favoriser tout ce qui est déjà Grand.
Inénarrable
C'est par Gaël, lui-même alerté par Marc, qui j'ai appris la nouvelle : après le procès contre Fansolo, c'est l'estimé Olivier Bonnet qui est mis en examen pour ses activités blogistiques. Allez voir chez lui si vous ne l'avez pas encore fait.
Je le qualifie d'abord d' "inénarrable". La belle affaire. "Inexprimable, inracontable, indicible, incommunicable", donne le dictionnaire comme sens premier, suivi de "cocasse, bizarre, comique, drôle, grotesque, fantaisiste". Bon. Plus loin, j'écris : "On peut donc légitimement s'interroger, connaissant le CV de ce magistrat, sur son « indépendance » dans le cadre d'un tel procès, tant il est évident qu'il est en « coma professionnel avancé »" "Injures publiques", prétend mon adversaire.
On savait, grâce à la jurisprudence Yves Jégo qu'il était interdit sous la Cinquième République de traiter un homme politique d'"apparatchik". Désormais, il faut faire attention avec "inénnarable". Bon à savoir : on ne dit pas "l'inénnarable Nicolas Sarkozy", on dit... Nicolas Sarkozy est un grand défenseur de la liberté d'expression.
Tout de même, en ce moment, les règles qui gouvernent la parole politique sont en train de subir certaines pressions :
- un Président de la R. qui pousse le ridicule jusqu'à
- un Ministre de l'Education qui veut donner aux hommes politiques le droit d'(ré)écrire l'histoire qui sera enseignée.
- un gouvernement qui s'apprête à se créer des émissions de télé de propagande, dans une tentative de court-circuiter la presse, dont on pouvait déjà s'interroger sur l'indépendance.
Excusez-moi, mais ça commence à devenir inénarrable, tout ça.
Oh ! Pardon...
29 octobre 2008
Sauvons nos groupes !
J'ai trouvé un nouveau jeu. Il faudrait trouver un nom. Quelque chose comme : Trouvez le groupe français. Ou peut-être Prédateur. Si on décide de garder Prédateur, on pourrait s'imaginer dans la peau d'un investisseur étranger, peut-être chinois, cherchant à profiter de la crise pour dépouiller la France de ses plus belles entreprises, avant que le Sauveur de France et de la Planète puissent intervenir avec son "retour de l'État" et ses 170 milliards d'euros.
Le jeu est assez simple : il faut penser à une grosse entreprise française, puis vérifier qu'elle est bien française. Histoire de savoir si ça vaut le coup de claquer quelques milliards pour la protéger ou non.
Un exemple. Prenons Accor. C'est français, les Ibis, Formule 1, les Mercure. Très très français. Ensuite, il faut tapoter sur Google :
site:bourse.lesechos.fr accorEt on trouve très vite la liste des actionnaires principaux :
Principaux actionnaires
1. Pardus European Special Opportunities Master | 19,75 % |
2. Morgan Stanley | 8,40 % |
3. Caisse des Dépôts et Consignations | 5,99 % |
4. Franklin Resources | 4,80 % |
5. Société Générale | 4,61 % |
6. Brandes Investment Partners | 4,57 % |
7. Natixis | 2,88 % |
8. M&G Investment Management Limited | 2,09 % |
9. Autocontrôle | 1,83 % |
10. Salariés | 1,23 % |
Certes, il y a Natixis, la Caisse des Dépôts et Consignations à 6 %, la SocGen, mais on trouve surtout des noms barbares : Morgan Stanley et Pardus European Special Opportunities Master. Pardieu!
On peut ainsi s'amuser pendant des heures. Tient, Lagardère, c'est français, non ? Voyons voir...
Principaux actionnaires
1. Investisseurs institutionnels étrangers | 54,43 % |
2. Investisseurs Institutionnels Français | 15,95 % |
3. Lagardère Capital & Management | 10,07 % |
4. Morgan Stanley | 4,71 % |
5. Autocontrôle | 2,99 % |
6. Salariés | 1,84 % |
Investisseurs institutionnels étrangers : au moins c'est franc. Pas besoin de se demander si ce sont des camarguais.
Ou encore, Alcatel Alsthom. C'est français Alcatel, non ?
Principaux actionnaires
1. Brandes Investment Partners | 10,23 % |
2. T. Rowe Price Group | 5,01 % |
3. Pzena Investment Management | 4,84 % |
4. Tradewinds Global Investors | 3,32 % |
5. Autocontrôle | 3,00 % |
6. Fidelity | 2,33 % |
7. Caisse des Dépôts et Consignations | 2,07 % |
8. BT Pension Scheme/Hermès | 1,73 % |
9. BNP Paribas Asset Management | 1,67 % |
10. Crédit Agricole Asset Management | 1,57 % |
11. FCP des salariés du Groupe FCP2AL | 1,26 % |
Ah, zut !
Bref, je vous assure, on peut y jouer longtemps sans se fatiguer. Mais à la longue, on finit par se demander qui on va protéger avec tous ces milliards. Tout de même.
28 octobre 2008
Vivement la Chine !
La Chine est depuis longtemps le sujet des fantasmes les plus divers. Elle symbolise depuis quelques années la menace aux économies industrielles occidentales, avec ses capacités de production infinies, les salaires infimes payés à ses ouvriers. Et comme la Chine est visiblement une affaire qui roule, elle est devenue un modèle pour nos capitalistes frustrés par le socialisme qu'ont imposé De Gaulle, Pompidou, Giscard et Chirac, mais qui ne peuvent pas se défaire de l'idée que l'État fort doit quand même tout arranger.
La baisse des salaires et des conditions de travail jusqu'aux niveaux chinois n'est pas un objectif politique avouable, mais ce rêve n'est pas tout à fait absent de l'inconscient réactionnaire français. Même Sarkozy a dit, lors de son discours de Toulon, dans une phrase qui n'a pas été assez commentée par la presse :
Le producteur français peut faire tous les gains de productivité qu'il veut ou qu'il peut. Il peut à la rigueur concurrencer les bas salaires des ouvriers chinois [...].
Ainsi, nos UMPistes ne parlent en ce moment que du retour de l'État. Le Très Grand Homme (TGH) lui-même promet une «redéfinition du rôle de l'État dans l'économie», avec des mesures comme le « médiateur de crédit », censé réparer le fait que malgré tout ce qui a été promis aux banques, elles ne veulent toujours pas joueur le jeu en prêtant aux PME l'argent que l'État leur prête. En temps normal, les banques n'auraient pas accepté une telle intervention dans leurs affaires ; je suppose qu'aujourd'hui c'est pour elles un moindre mal.
Mais là où le retour de l'État va être sans doute le plus performant, c'est sans doute dans le soutien aux grandes entreprises. Avec 175 milliards, espérons que ce sera performant, en tout cas, et pas une goutte d'eau dans le gouffre. Enfin, peu importe puisque c'est de l'argent gratuit, qui ne figure sur aucun budget... Money for nothing and chicks for free disaient Dire Straits. Tout cela justifié par la peur de (je résume) la Chine, c'est-à-dire ces »prédateurs» qui pourraient venir nous voler nos fleurons, en les achetant au prix du marché.
Chassez la Chine et elle revient au galop : on le sait mais on l'oublie. Parce que voilà la France obligée prendre la Chine comme exemple et justification pour pratiquer le patriotisme économique à la chinoise. Ainsi, le TGH va défendre les grands groupes français, qui sont, il faut le rappeler quand même, cotés en bourse, et donc à chaque instant à vendre. Curieux de voir que soudain ils aient peur qu'on les achète...
Cet été Juan a lancé un défi : trouver quatre qualités à Nicolas Sarkozy. A ma réponse, je dois ajouter une nouvelle qualité : Nicolas Sarkozy nous aide à élaborer nos propres idées politiques, il est en somme le contre-exemple idéal. Jean-Marie Le Pen n'aurait pas été aussi utile en tant que contre-exemple, puisque l'opposition n'aurait pas été très précise (je sais que l'opposition actuellement est tout sauf précise, mais ce n'est pas ce que je voulais dire). Avec Sarkozy, il y a des véritables démonstrations qui font que j'ai pu isoler ce que je n'aime pas dans sa politique.
Voilà : l'étatisme, la centralisation et la consolidation du pouvoir économique et politique me sont devenues insupportables. Devenir une petite Chine n'est pas une solution. Je veux une gauche très loin de ce modèle, très loin de cette perspective. L'autre jour quand je parlais de la traçabilité, c'est un peu à ça que je pensais : la régulation correcte, juste et efficace ne vient pas forcément d'un État central hyper-fort avec un Monarque Gesticulant ; c'est au niveau de chaque transaction financière, à chaque étape du montage des "produits", qu'un petit élément de contrôle se glisse dans le système, que les responsabilités deviennent claires pour tout le monde.
La solution n'a pas besoin de talonnettes.
26 octobre 2008
La traçabilité
Quand la maladie de la vache folle provoquait l'hystérie alimentaire générale, en 1995 et 1996, on a, entre autres mesures d'hygiène et de communication, insisté beaucoup sur l'idée de traçabilité. Les petits panneaux dans les boucheries et les restaurants ("Viande bovine en provenance de l'UE") sont devenus obligatoires. Je me souviens d'avoir feuilleté, chez un boucher, le petit carnet mis à la disposition des client, où étaient notées toutes sortes d'informations sur chaque bête : sa ferme d'origine, son âge, l'abattoir.
Dans la crise bancaire internationale qui a débuté avec les subprimes, nous sommes très loin d'avoir trouvé les responsables, car à chaque fois que j'entends un journaliste demander à un responsable politique comment cette crise est arrivée, la réponse est toujours, à peu près : "personne n'a rien compris". La dernière fois, c'était Eric Woerth au Rendez-vous des politiques. En somme, c'était la faute de ces produits financiers trop compliqués, finalement ce n'est la faute à personne. Nul n'est censé ignorer la loi, mais nul n'est censé comprendre ses propres investissements. Ainsi, il est aisé de prétendre que tout le monde est victime, et que personne n'est coupable. Surtout pas les banques, elles-mêmes victimes des autres banques plus loin sur la chaîne du froid.
Tout était opaque pour tout le monde, y compris pour les agences de notation dont l'échec et la responsabilité sont évidentes, y compris dans la création des produits, puisque la possibilité de quantifier un risque facilite la compilation de ces produits.
(Juste une précision : je ne suis pas pour une destruction des banques. Je trouve simplement qu'il aurait fallu les faire souffrir beaucoup plus. Histoire de les responsabiliser. Sinon, elles vont recommencer.)
La réinvention du capitalisme qui nous est promise, que nous avons en quelque sorte achetée, en payant cher, doit passer par une augmentation de la traçabilité des produits. Si chaque veau européen a un numéro qui permet de le localiser à tout moment dans le système alimentaire mondial, il devrait être possible de restructurer les transactions financières de façon à ce que les responsabilités réelles des différents acteurs ne soient pas simplement comptabilisées et réduites à des AAA ou de Caa3. Il devrait être possible de remonter la chaîne, ce qui permettrait non seulement de trouver un éventuel coupable, mais d'engager la responsabilité de tous les intermédiaires qui ont, eux aussi, profité de toute cette opacité.
24 octobre 2008
Deux petites choses sur le capitalisme soutenu par l'Etat
Voici les publicités Google qui sont apparues quand je lisais les commentaires de mon billet précédent :
J'espère qu'ils ont les mêmes pubs à l'Elysée...
Et voici ce qu'écrivait kamizole, à propos des financiers:
Ils tiennent également du fauve : leur ôterait-on une énorme épine dans le coussinet d’une patte, à peine soulagés, ils se jetteraient incontinent sur leur sauveur pour n’en faire qu’une bouchée.
L'Elysée ferait bien de lire ça aussi.
Il aime les bulles
Depuis longtemps nous avons compris que Nicolas Sarkozy n'était pas un libéral. Pas un vrai, en tout cas. Il n'a retenu du libéralisme que quelques prétextes rhétoriques qui peuvent être utiles pour s'attaquer aux fléaux véritables que sont l'État providence et sa conséquence, les impôts et les charges sur les entreprises.
Mais quand on a le Pouvoir, il est possible d'aller plus vite, pour donner directement de l'argent aux entreprises, en allant des caisses (inépuisables) de l'État directement aux bilans trimestriels des entreprises, sans passer par la case économie.
Contrairement au libéral, au vrai, qui croit que toute intervention de l'État aura des conséquences néfastes, Nicolas Sarkozy semble croire que l'État n'est qu'un instrument de plus dans la guerre qui oppose l'entreprise (et par là s'entend la grosse entreprise) à tout ce qui n'est pas elle. Et en disant cela, je ne veux pas dire que les entreprises partagent cette vision du monde et de l'économie. J'ai même plutôt l'impression qu'elles aimeraient bien qu'il y ait une économie qui fonctionne.
Même le monde de la finance semble d'accord qu'il est mieux de faire circuler des sous. L'annonce (bruyante) d'un fonds souverain pour gonfler la Bourse française n'a pas empêché que cette même Bourse soit en chute libre aujourd'hui, les investisseurs faisant plus confiance aux règles de la finance qu'aux gesticulations du Mégalomane Nationale (ou Européen). Comme c'est curieux...
Puisque le cadeau de 10 milliards aux banques françaises est passée comme une lettre à la Banque Postale, le Très Grand Homme (TGH) a voulu aller plus loin en soutenant aussi le cours de la Bourse. (Je pense à un sketch des Deschiens : "ah, le CAC 40, je me souviens de quand c'était un tout petit CAC...") Dans la droite lignée du Paquet : vite, du fric pour les riches ! Gonflons artificiellement le cours de la Bourse !
Et c'est l'artifice qui est gênant. Après la bulle des subprimes, il faut d'urgence créer une nouvelle bulle, en balançant, à perte, des sous à droite et à gauche (mais plutôt à droite quand même). Décrochons la Bourse de l'économie réelle ! Faisons croire que l'on doit acheter des titres même si les entreprises en question sont en mauvaise posture ! Une bulle, vite !
Et puis, encore plus vite, une dette. Car si l'on doit donner de l'argent aux entreprises, il ne faut pas leur en prendre. C'est l'autre fondement de la théorie sarkozyënne de l'économie : moins d'impôts, moins de "charges", libérons les entreprises et tout ira bien (jusqu'au krach). Il nous faut donc de la dette. Tant pis pour l'État ruiné, il aura servi la noble cause du maintien du CAC. Il aura été une excellente pompe à fric.
22 octobre 2008
Le bruit et la fureur chez le Très Grand Ami des banques
L'une des techniques de communication les plus efficaces dans l'arsenal sarkozyën, et les plus difficiles à démystifier, c'est celle du paratonnerre. La religion, un match où l'on siffle l'hymne national (réaction gouvernmentale préparée à l'avance, via Plume de presse), et maintenant les parachutes dorés et les paradis fiscaux.
Un autre point fort de la communication chez le Très Grand Homme (TGH), c'est bien sûr sa capacité à agir en fonction des attentes des téléspectateurs. Je ne parle pas, bien évidemment, de leurs aspirations politiques et économiques profondes, de la réalité de leurs situations, mais plutôt de la manière dont ils s'attendent à ce que chaque histoire se termine : le petit n'enfant est retrouvé, on fait une loi de plus contre les gros méchants ; une crise bancaire sans précédent est le fait de comportements irresponsables de la part des banques, alors il faut des coupables, et il faut faire du bruit, en menaçant de s'attaquer aux paradis fiscaux.
Ces deux cibles ont de fortes résonances populaires : les parachutes dorés sont systématiquement perçus comme injustes, et sont surtout montés en épingle. Le sarkozysme aime tout ce qui peut être monté en épingle. Bien entendu. Les paradis fiscaux sont, un peu comme les niches fiscales et la chasse aux fraudeurs, autre cible des "yaka". Pourtant, "la chasse aux paradis fiscaux" ne va pas être facile, ne va même pas être possible. Comme le signale Dagrouik, les banques françaises sont déjà bien implantée dans les îles Cayman, à Guernesey et ailleurs. Personne n'a encore parlé d'obliger nos fleurons de renoncer à ces pratiques avant de leur filer leur premier paquet de milliards.
Et à peine les premières gesticulations lancées, nous avons la réponse de l'un des acteurs de ce secteur, Jean-Claude Juncker, premier ministre du Luxembourg :
"Je suis tout à fait ouvert pour discuter des vertus du secret bancaire [en vigueur au Luxembourg, ndlr] (...) mais nous ne sommes pas prêts à nous mettre volontairement sur un banc d'accusés. (...) Nous ne sommes pas obligés de nous rendre à des convocations franco-allemandes", a-t-il déclaré sur France 2. Et d'ajouter: "La France aussi connaît des niches fiscales (...) Elle n'est pas plus exemplaire en matière de moralité financière que le Luxembourg."
Et tac!
Et quand le TGH aura vaincu le Luxembourg, il pourra s'attaquer à la Suisse (profitez-en pour faire du ski), puis les îles (un peu de bronzage)...
Bref, le grand coup de balai dans les pratiques financières, le plus jamais ça!, la moralisation du capitalisme, on peut douter. Car même en cas de réussite - dans le cas des parachutes dorés surtout -, la direction de ces mesures ne va pas vers le noeud du problème, mais vers des symboles, des têtes d'épingles, des historiettes qui font bon effet. La volonté de peser réellement sur tous les facteurs qui ont contributé à la crise actuelle est curieusement absente : quel rapport entre les rénumérations des grands patrons et les subprimes ? quel rapport avec les paradis fiscaux ? Aucun.
Et pendant ce temps-là, on soigne les banques. D'un bon papier sur Mediapart :
Les banques, elles, parlent d'un accord gagnant-gagnant. Il est vrai qu'elles l'ont bâti de bout en bout. «Nous avions posé nos conditions, et parmi celles-ci, que l'Etat ne nous apporte pas de vrai capital. Nous ne voulions pas d'un Etat avec des pouvoirs dans la gestion des établissements», rappelle dans Le Monde Georges Pauget, le président de la Fédération bancaire française (FBF), également directeur du Crédit agricole. De son côté, BNP Paribas se félicitait dès mardi matin de cette mesure qui n'aura «de conséquence ni sur l'actionnariat, ni sur la gouvernance du groupe». «Cette émission ne diluera pas les actionnaires et n'aura aucune conséquence sur la gouvernance de BNP Paribas et sa politique de dividende», explique la banque dans un communiqué. Voilà qui va réjouir les contribuables.
La claque ? Plutôt une caresse. Mais ça, c'est pour le prochain billet.
20 octobre 2008
La bulle... (pauvres traders, pauvres libéraux)
Le libéralisme n'a pas le vent en poupe en ce moment, mais cela n'a pas empêché les libéraux de trouver quelques parades. Comme je disais la semaine dernière, le libéralisme a ceci de génial : il ne peut jamais avoir tort tant qu'il existe, quelque part dans le monde, un État quelque part qui intervient d'une quelconque manière dans la vie, et surtout dans la vie économique. Ainsi, tant que cette vision anarchiste ne s'est pas imposée, le libéralisme ne peut pas avoir tort. C'est juste pour vous prévenir. J'ai essayé d'encadrer ce qui est devenu l'un des arguments principaux des apologistes libéraux en ce moment : l'idée selon laquelle la crise des subprimes serait due à un excès de régulation étatique.
Mais il y a un autre argument encore plus savoureux que j'ai plaisir à vous présenter aujourd'hui. Je l'ai trouvé sur le blog d'un libertaire québécois qui, dans un billet tout de même assez intéressant (car les libéraux purs et durs sont tout de même des gens qui réfléchissent, il faut l'admettre), propose cette autre lecture de la situation (je me permets de citer un peu longuement) :
Il faut toutefois garder une chose cruciale à l'esprit: la réglementation — ou l'absence de réglementation — n'explique pas pourquoi il y a eu une bulle et un crash dans le secteur immobilier, mais bien pourquoi la bulle s'est développée surtout dans ce secteur. La bulle inflationniste a été causée par l'expansion monétaire, pas par ces politiques. Avant cette crise par exemple, il y en a eu une dans les marchés émergents (crise asiatique, du rouble, du peso, etc. vers 1996-98) puis dans le secteur des hautes technologies qui connaissait un engouement irrationnel à la fin des années 1990.
Cette fois elle a émergé dans l'immobilier. Mais elle aurait émergé quelque part de toute façon parce que l'argent créé par les banques centrales doit bien se rendre quelque part. Le surplus de liquidités finit toujours par émerger dans un secteur ou un autre même s'il est difficile de prévoir d'avance où ce sera. Sans ces politiques néfastes dans le domaine immobilier (ou avec une réglementation sévère qui aurait empêché toute la spéculation qui a eu lieu), la bulle aurait simplement émergé dans un autre secteur.
Il faut donc garder ces deux types de cause à l'esprit quand on parle des causes de la crise actuelle. La croissance monétaire est la cause fondamentale, alors que les interventions étatiques dans le domaine de l'immobilier ne sont qu'une cause accessoire.
En somme (et pour ceux qui n'ont pas lu la citation), les bulles sont la conséquence de l'inflation monétaire qui est le fait des banques centrales. Cette fois la bulle a eu lieu dans le secteur immobilier, mais elle aurait pu développer dans n'importe quel secteur, un peu comme les buboses de la peste qui peuvent apparaître à différents endroits du corps sans que cela change la nature de la maladie.
Je n'y avais jamais pensé à ce problème. Pour un libéral pur jus, l'argent lui-même est suspect, parce qu'il est "produit" par les états. Sa seule existence fait que le reste de l'économie est, pour nos libéraux bien aimés, corrompu par le vice de l'interventionnisme. Et puis, quand on pense qu'il y a des banques nationales et centrales qui décident de la valeur de l'argent... ça doit donner des cauchemars aux libéraux, se disant que le paradis libéral est encore bien loin. Quelle serait l'alternative, pourtant ? Le retour à l'or ? Le troc ? Adam Smith a pourtant bien montré l'intérêt de l'argent dans le développement des marchés... Voilà des problèmes que nous n'avons pas à résoudre, heureusement.
Donc, pour revenir à notre bulle inévitable, créée par une surabondance d'argent dans le monde, ce qui fait forcément rire, c'est que finalement, la crise n'est pas la faute des individus qui l'ont provoquée. Même si le libéralisme n'arrête jamais de chanter les mérites de la responsabilité individuelle, surtout comme argument contre toute forme de protection sociale, dès lors qu'il s'agit de traders qui s'en mettent plein les poches, soudain la faute est collective, les acteurs individuels sont dépassés par des forces historiques. Pauvres golden boyZ...
Le billet de ce libertaire date du 7 octobre. Entre temps, le Très Grand Homme (TGH) a sauvé la planète simplement en déployant quelques roulages de mécaniques bien dosés, et, suivant l'exemple de Gordon Brown, le véritable inventeur de la solution Européenne, a promis, à coup de centaines de milliards, de soutenir le système bancaire international. L'inflation monétaire créée par la titrisation des prêts immobiliers prédateurs qui avait en effet fabriqué de l'argent qui n'existait pas va être validée par l'ensemble des états du Premier Monde. La bulle de savon va devenir une bulle de marbre. Dans la crise, on avait peur "mais tout cet argent finalement n'existe pas!". Aujourd'hui, les états sont là pour dire "mais si il existe ! tiens, voilà, prends-en !"
Si donc notre libéral-libertaire a raison, les états sont en train de créer une nouvelle bulle qui multiplie par... combien ? dix, cent, mille ? ... la bulle d'hier. Dans quel secteur se fera la prochaine bulle, quand tout cet argent facile créera l'impression que la poule aux oeufs d'or est enfin revenue ?
Tous ces efforts aboutissent donc à éviter la claque qui aurait dû mettre les pratiques financières en phase avec la réalité. On a préféré modifier la réalité plutôt que d'accepter les conséquences de la bulle. L'intervention des états va différer la claque. Pour combien de temps ?
19 octobre 2008
Une Marseillaise si fragile ?
En 2001, quand la Marseillaise fut sifflée lors d'un match France-Algérie, je ne blogais pas encore, mais je me disais que j'aurais pourtant eu des choses à dire. Quand la même chose se produit en 2008, soudain je n'ai plus envie d'en parler. Comme l'a remarqué Juan avec justesse, ce match arrive au bon moment pour une droite qui, comme j'ai toujours autant de plaisir à dire, vient de se défaire de son sur-moi libéral et qui a besoin de se regrouper autour des bonnes vieilles valeurs colonialistes :
En France, certains ont fait beaucoup de vacarme sur une anecdote sportive, celle d'un hymne national sifflé pendant un match amical mardi soir. Une distraction de plus pour éviter de siffler les véritables mauvais joueurs.
(C'est rigolot : Benoît Hamon avait déjà parlé du "surmoi libéral" le 9 septembre, mais il parlait de celui du PS.)
Bref, se lancer dans la polémique à ce sujet, c'est, d'une certaine façon, apporter de l'eau au moulin UMP. Et puis les confrères ont déjà dit beaucoup de choses intéressantes et pertinentes sur ce sujet. Nicolas J. remet en perspective, ici et surtout ici (un petit bijou de billet) les faits de quelques "jeunes abrutis" qui sifflent. En effet, le danger du symbolisme footballistique, c'est que souvent les symboles sont laissés entre les mains de gens qui n'ont pas fait l'ENA, ce qui peut aussi en faire le charme.
Juan, sur son autre blog, se demande lequel est plus dangereux pour l'image Nationale : des sifflets lors d'un match et l'existence d'un Ministère de la Xénophobie, de la Pureté de la Race et du Codéveloppement. Et Mathieu L. (du blog au magnifique titre : Les privilégiés parlent aux Français et au Monde) nous fait aussi une mise au point historique qui vaut le détour. (Sans négliger les commentaires, d'ailleurs.)
C'est finalement en lisant ce très bon billet d'Olivier Bonnet que j'ai commencé à m'énerver, car je me suis senti revenu cinq ou six ans en arrière, surtout à 2005, année des émeutes des banlieues, quand Bernard Accoyer rendait la polygamie responsable des violences :
Deux causes sont rendues responsables de l'"arrivée massive" de nouveaux immigrants : le regroupement familial et la polygamie. Un lien qui ne fait aucun doute pour M. Accoyer : "Parmi les mineurs impliqués dans les délits, il y a une surreprésentation d'enfants issus de familles polygames", souligne le député de Haute-Savoie.
Tous les souvenirs reviennent : la racialisation de "l'insécurité", le débat sur le foulard, la paranoïa sur les "tournantes"... tous ces phénomènes de société d'un pays qui voulait oublier son passé colonial, qui voulait se laver de toute responsabilité les crimes coloniaux commis, qui voulait surtout ne pas voir de relation entre le passé colonial et les difficultés au présent. Et là, je me souviens comment tous ces événements ont servi la montée en puissance de Sarkozy, et soudain je comprends à nouveau l'endurance de Juan.
Olivier Bonnet rappelle donc
Bien sûr que le chef de l'État se doit d'être le premier indigné, lui qui s'est déjà affirmé depuis 2003 comme le champion des combattants contre les talibans siffleurs de Marseillaise, avec son "délit d'outrage au drapeau et à l'hymne national".
Et c'est là, franchement, qu'on a du mal à ne pas s'énerver, même si c'est inutile. La Marseillaise est-elle si fragile que quelques sifflets vont faire éclater la République?
Je n'ai pas constaté des effets remarquables après France-Tunisie.
- Aucune fissure n'est apparue sur l'Arc de Triomphe.
- La Tour Eiffel n'a pas commencé à rouiller.
- Les colonies Françaises en Afrique du Nord n'ont pas subitement déclaré leur indépendance... (Ah, si ? C'était déjà fait ? J'ai dû oublier...)
Et puis zut...
14 octobre 2008
Le libéralisme comme drogue dure
L'une des leçons que la Crise est en train de nous apprendre sur le libéralisme et surtout sur le néolibéralisme, c'est que cette pensée ressemble pas mal à une drogue dure. Les rechutes sont fréquentes, inévitables. On finit par croire que la guérison est impossible, que la pathologie est irréversible.
Hier Dagrouik est allé cherché Alain Madelin (oui : Alain Madelin !). Voici l'extrait du compte-rendu de Télérama :
La crise des subprimes qui a mené à la cata actuelle, c'est tout simple. Une crise de la finance folle ? Pas du tout, tonne Alain Madelin. Très en amont de tout ça, il y avait "les meilleures intentions du monde". Ben oui, le gouvernement américain a exigé des banques qu'elles prêtent aux pauvres. Vous comprenez, "le rêve américain, tout le monde propriétaire de sa maison…". Bref, la preuve que les banques ne prêtent pas qu'aux riches. On a donc fait des lois pour forcer les banques à prêter. Et puis, catastrophe, ça finit en jus de boudin, en crise des subprimes. "C'est pas une crise de la dérégulation, explique prof Madelin, c'est une crise de la réglementation mal adaptée à la finance d'aujourd'hui."
La faute à l'Etat, donc, bien obligé, aujourd'hui de jouer les pompiers à 700 milliards de dollars. CQFD. Yves Calvi, un brin estomaqué : "On n'entend pas ça souvent ! Très intéressant comme analyse. Ça revient donc à dire que c'est à travers des mesures sociales voulues par l'Etat qu'on en arrive à une crise où les gens se retrouvent à la rue..."
Alain Madelin, goguenard, ravi de son petit effet : "Eh oui ! Ca s'appelle le fléau du bien."
"... le fléau du bien". Je n'ai pas de mal à imaginer Madelin "goguenard", ravi en effet d'avoir à nouveau ce rôle qui a toujours été sa raison d'être, celui du franc-tireur libéral en train de fustiger la pensée unique. Au fur et à mesure que le libéralisme devient la pensée unique, on a sans doute un peu moins besoin d'Alain Madelin. On ne va pas pleurer pour lui, quand même. Il paraît qu'il est désormais "gestionnaire de fonds d'investissement" (d'après Télérama). Vous êtes libres de l'imaginer en train de s'enrichir libéralement, et en train de remercier au nom de ses clients et en toute discrétion, les états du monde qui vont fournir du crédit facile au système bancaire.
Mais ce n'est pas vraiment de Madelin que je voulais parler, mais de son "message", qui n'est pas de lui, mais qui fait partie de la réponse officielle des néolibéraux, décidés de protéger leur bout de gras idéologique coûte que coûte, y compris si dans l'un ou l'autre des "coûte" il y a plus de mille milliards de dollars de fonds public qui sera nécessaire pour maintenir en vie le rêve libéral. Voilà le message : la crise des subprimes est la faute des régulations étatiques. Avec encore moins de contrôle sur les traders et les Golden Boys, le monde aurait évité La Crise.
Ce qu'il y a de magnifique avec cette réplique, c'est qu'elle est inépuisable. Tant qu'il existera des états qui se mêlent même de très loin à la vie économique, il sera toujours possible de dire que ce sont eux la source de tous les malheurs. Comme quoi le libéralisme peut conduire finalement à l'anarchisme. Un peu comme un premier joint mène à l'héro si on ne fait pas gaffe.
Pour une synthèse très complète et assez bien argumenté de ce raisonnement, vous pouvez consulter ce billet sur le blog Objectif Liberté, qui semble s'inspirer directement des sources américaines. Pour cet auteur, l'origine du mal est dans le statut mixte des organismes de prêt américains, Fannie Mae et Freddy Mac, censés aider des ménages modestes à accéder à la propriété, et dont on parle tant en ce moment, et il explique comment ces entités, bien qui privatisées (en 1968 paraît-il), ont gardé un fil gouvernemental à la patte, puisque leurs prêts continuaient à être garantis par le état fédéral :
En effet, afin de pouvoir privatiser la FNMAE, dont le portefeuille de prêts comportait un certain pourcentage de crédits de qualité plus que moyenne, le gouvernement dut leur donner un statut sur mesure de "Government Sponsored Enterprise" (GSE, entreprises privées d'état (!)), exempté de certaines taxes et de certaines formalités de présentation de comptes, en contrepartie d'une obligation inscrite dans les statuts de l'entreprise de continuer à avoir pour activité principale le refinancement de prêts immobiliers, et notamment les prêts aux ménages modestes, les fameux prêts subprime.
Notre blogueur libéral fait ici un raccourci, cependant, en assimilant à des subprimes absolument tous les prêts un peu sociaux consentis par Fannie Mae et Freddy Mac. L'une des définitions de subprime est justement un prêt qui est en-dessous des normes de Fannie Mae/Freddy Mac :
In the United States, mortgage lending specifically, the term "subprime" can be applied to "non conforming" loans, those that do not meet Fannie Mae or Freddie Mac guidelines, generally due to one of an array of factors including the size of the loan, income to mortgage payment ratio or the quality of the documentation provided with the loan.
Ainsi, pour être précis, il faut dire que les subprimes sont la conséquence du non respect des règles. Il faut dire aussi que pendant presque quarante ans, le statut presque privé des ces deux institutions de prêt n'a provoqué ni bulle ni crise. Seul un changement de comportement dangereux dans les dernières années peut expliquer ce qui est arrivé.
Pour Objectif Liberté, la responsabilité ultime de la crise des subprimes est dans le fait que la perspective des interventions de L'État, que ce soit pour garantir des mauvais prêts ou pour soutenir l'ensemble du système bancaire, encourage l'irresponsabilité des acteurs privés et conduit le système vers sa perte. Et sur ce plan, et formulé ainsi, je suis à peu près d'accord : le jeu bancaire s'était détaché - et c'est la nature même des bulles - de la réalité, les banques étaient protégées des effets de la Main Invisible. Elles n'avaient d'ailleurs pas tort, puisqu'aujourd'hui c'est à qui va leur fournir le plus de cash pour effacer les conséquences de leur cupidité stupide. C'est pour cela que je souhaite que l'issue de cette affaire soit tout de même désastreuse pour les banques. Même avec un sauvetage, il faut quand même que ça saigne.
En revanche, penser que la solution est de moins réguler le système bancaire, ou de ne plus garantir dépôts ou prêts, c'est s'aveugler à nouveau sur le rôle des banques dans le monde. C'est oublier les effets désastreux d'une perte de confiance dans les banques. J'imagine l'état des comptes du fond de pension géré par Alain Madelin si, en se moment, les Français étaient tous en train de retirer des espèces de leurs comptes pour charger à nouveau leurs matelas. J'imagine la tête collective de nos libéraux si nous étions devant une véritable crise de liquidités.
L'expérience de 1929 a prouvé que le secteur bancaire joue un rôle particulier dans la vie économique. L'exposer à toutes les exigences de la Main Invisible, c'est nous exposer à ces mêmes risques. Supposer que le marché saura toujours évaluer les risques à partir du moment où il y est vraiment confronté (et pas protégé par l'État), c'est, même avec le plus grand optimisme ou même une petite dose de naïveté, faire confiance au moins à la justesse de la perception de la réalité qu'ont les acteurs économiques, nos fameux traders en l'occurrence. Les bulles naissent justement quand les acteurs cessent de percevoir correctement la réalité, en croyant avoir enfin trouvé la poule aux oeufs d'or.
Difficile alors de leur faire confiance, même sur leur propre intérêt. Demandez aux anciens de Lehmann Brothers, ou aux autres, s'ils ont bien réussi leur coup. A force de trop fumer l'herbe néolibérale, ils ont fait n'importe quoi.