31 mars 2008

Avant d'aller au boulot, les socialos...

Faut-il que le PS ait un vrai chef, ou simplement un "chef d'orchestre" qui dirigera les travaux de réflexion et de réfondation ?

Dans un monde parfait, avec un PS parfait, il serait intéressant de procéder ainsi : laisser libre cours à la vie des idées, aux débats ; oublier un peu les rivalités pour se concentrer sur la matière politique elle-même. La difficulté, c'est que, visiblement, la culture actuelle veut que la lutte des idées serve à faire avancer discrètement (quoique...) une carrière politique. Le "débat" devient un système pour masquer les jeux des personnes. Du coup, le débat est faussé, la concurrence n'est pas franche, et les idées même pas bonnes. La tribune de Benoît Hamon et Henri Emmanuelli, publié la semaine dernière (et que j'ai discutée ici), et un très bon exemple de cet exercice qui nous est désormais familier : discuter des idées et de l'actualité dans le seul but de se positionner face aux camarades rivaux.

Quelles que soient les raisons de cet état regrettable de la culture politique du niveau national du PS, il faut reconnaître que c'est ainsi. Les dents longues des uns et des autres ne vont pas se rétracter subitement pour laisser place à des débats désintéressés.

Dans un bon billet de réflexion publié sur le Blog du Congrès Socialiste par les militant(e)s (ce nouveau blog qui promet beaucoup et auquel Marc Vasseur m'a même laissé participer en tant que sympathisant), Colin, qui propose plusieurs bonnes idées, appelle à une réflexion détachée des ambitions personnelles :

savoir qui sera le meilleur candidat pour 2012 n'est pas d'une grande utilité dans une optique de long terme. En se focalisant sur les questions de personnes, on risque de ne penser qu'en termes d' image et non de fond. C'est une vision néfaste de la politique et de la démocratie. C'est croire que l'électeur est abruti et ne choisit que sur des questions superficielles, ce qui n'est pas complètement faux, mais c'est surtout croire qu'il ne peut en être autrement.[...] Etre réellement socialiste ne saurait être compatible avec une telle conception de la politique.

[...]

La réflexion idéologique d'abord. Il faut commencer par se retrouver autour des valeurs qui seront le fondement d'une doctrine socialiste. Pour moi, ces valeurs s'articulent autour d' une recherche de l'émancipation et la libération de la personne humaine.

Voilà : ce serait bien si c'était possible. A la limite, les choes devraient pouvoir se passer ainsi. Malheureusement, le constat assez pessimiste de l'impossibilité pour le PS d'abandonner ses querelles s'impose. C'est comme dans une famille qui a des problèmes de comportement. Tous les membres de la famille imaginent comment la vie pourrait être belle si la mère pouvait arrêter de picoler ou si le père ne tapait plus les gosses. Généralement dans ces cas, les regrets sont inutiles ; la solution ne peut venir qu'en reconnaissant la réalité des problèmes. La seule volonté de changement ne suffira pas.

La question pour le PS est donc celle-ci : comment passer de cette culture de la rivalité à un autre état, plus positif, plus constructif? Je vois deux solutions, mais il y en a peut-être d'autres de neutraliser les éléphants.

  1. Mettre fin aux rivalités en choisissant très vite un vrai chef. Ou plutôt une chef (à mon avis à moi). Trancher la question du leadership le plus tôt possible pour que la question ne se pose plus et qu'il reste du temps au Parti de penser à autre chose.
  2. Décentraliser la réflexion en faisant appel, sérieusement pour une fois, aux capacités des militants. Mettre le système des éléphants hors circuit en se tournant vers le domaine local, ex-centré qui est, comme le témoignent les dernières éléctions, la véritable force du PS. L'appel lancé par Dagrouik d'Intox2007 va dans ce sens.

28 mars 2008

Une gauche vraiment de gauche, c'est quoi?

Après une élection, on ne peut pas reprocher aux uns et aux autres de chercher à réinterpréter le scrutin, à refaire le match, à tirer la couverture électorale vers eux. L'Etat UMP a été parfaitement ridicule sur ce point, bien entendu.

Benoît Hamon et Henri Emmanuelli publient une tribune pour dire que la victoire de la gauche aux municipales signifie que "les Français" veulent une gauche qui soit vraiment à gauche. Cela dit, moi aussi, je veux une gauche qui soit vraiment à gauche, alors pourquoi est ce que je m'en plains ? D'ailleurs, MM. Hamon et Emmanuelli disent pas mal de choses très censées. D'abord ceci, qui est évident, mais quand même bien dit :

Les 58 villes de plus de 20 000 habitants conquises par la gauche traduisent l'ampleur de cette défaite. Il peut sembler banal de l'affirmer mais cela est nécessaire tant l'impudence, voire l'autisme des ministres et des dirigeants de l'UMP sur les plateaux de télévision confinait au déni de réalité. Le nombre de villes conquises donne une dimension incontestablement nationale à cette défaite.

Ensuite ceci, qui rappelle ce que je disais de Bayrou à la veille du second tour :

En entendant François Bayrou, au soir du premier tour, appeler en vain les électeurs palois à faire barrage aux "socialo-communistes", il nous revenait en mémoire cette définition que François Mitterrand donnait du centre dont il affirmait, non sans humour, qu'il n'était ni de gauche ni de gauche".

En effet, on sait bien que l'opportunisme du MoDem a sérieusement affaibli le parti sur le plan idéologique. Et les résultats ainsi obtenus ne font pas du MoDem un grand parti. Le seul véritable atout de Bayrou et du MoDem, par rapport aux autres petits partis, c'est leur position plus centrale que centriste. En menaçant de quitter la droite pour la gauche, ou la gauche pour la droite, les voix du MoDem comptent double : autant de voix en moins pour les uns, autant de voix de plus pour les autres. Quand un Besancenot ou un de Villiers menacent de lâcher leurs partenaires potentiels, la nuisance est moindre. Mais si c'est là la force stratégique du MoDem, c'est aussi sa faiblesse, car ce positionnement implique une versatilité idéologique qui finit par nuire à la crédibilité de toute l'opération. Surtout en périodes de fortes polarisations, comme c'est le cas actuellement, ce qui nous ramène à Hamon et à Emmanuelli :

La figure classique est celle de la bipolarisation entre la gauche et la droite. Une bipolarisation dont nous n'hésitons pas à affirmer qu'elle est saine pour notre démocratie, qui a besoin d'options différenciées et de confrontations d'idées et de projets.

Mais au fait, qu'est-ce qui nous dit que nous sommes en période de grande "bipolarisation" ? Aux municipales, le rejet massif de la droite ne s'est pas concrétisé par une adhésion massive au programme du PS, du moins sur le plan national. Le rejet de la droite est fort, et la tendance d'une implantation socialiste sur le plan local se confirme d'élection en élection. Et surtout, même en admettant que "les Français" souhaitent une gauche qui soit vraiment à gauche, rien dans les resultats ne permet de dire que la gauche souhaitée soit précisément celle incarnée par des gens comme Hamon et Emmanuelli.

Alors qu'aux Etats-Unis, en Angleterre et, demain, en France et en Europe les dirigeants seront soumis à la nécessité de prendre des mesures radicales de sauvetage du système bancaire et de se tourner vers des formes nouvelles de régulation publique de l'économie, il serait paradoxal que la gauche française, en quête d'une illusoire modernité, "mue" à contresens de l'histoire.

Si l'analyse de la situation financière est encore une pertinente, et presque consensuel, du moins à gauche. Son application au PS est pourtant douteuse : qui, au PS, est pour une dérégulation totale des marchés financiers ? Même les plus strauss-kahniens des DSKïens ne se diraient pas en faveur d'une libéralisation de la finance internationale. Le fait que le libéralisme bancaire se soit heurté si honteusement aux limites de son idéologie ne peut pas constituer un message qui s'adresse au PS. S'il y a évidemment des leçons intéressantes à glâner dans l'histoire des subprimes, elles seront surtout utiles face à la droite et surtout à la droite libérale : "regardez ce qui se passe quand on donne trop de liberté aux marchés financiers : ils reviennent à la maison en pleurs, la queue entre les pattes". Oui, c'est intéressant et important. Non, cela ne permet de choisir "la gauche véritable", et encore moins de dire que les PS doit se concentrer sur son aile gauche. Non, cela ne permet pas de dire que la stratégie de Ségolène Royal n'est pas la bonne.

Tous ses éléments sont intéressants pour le PS : victoire aux municipales, faiblesse du MoDem, lecture de la crise bancaire. Toutefois, ils ne permettent pas de décider quel doit être le positionnement du PS, ou quel courant à l'intérieur du PS doit prendre le dessus. Puisque l'heure est celle de la réflexion, il me semble que tout cela indique surtout que le renouveau du PS ne va pas venir de ce genre de choix - à fond à gauche ou à fond au centre ; 80% gauche, 20% droite, 99% gauche 1% droite, ou tout autre savant mélange, mais dans une réflexion sur ce qui constitue ces pôles. Mais il faudra que ce soit pour un autre billet. Voire plusieurs. Pour l'instant, l'essentiel c'est qu'il n'est pas évident ce qu'est "une gauche qui est vraiment de gauche". Les circonstances actuelles ne permettent pas de le dire, il va falloir effectivement réfléchir.

25 mars 2008

Vite fait, le PS

Je ne sais pas si je vais pouvoir bloguer souvent dans les jours qui viennent. Pourtant, les choses commence à bouger... j'allais dire au PS, mais il serait beaucoup plus exact de dire : dans la blogosphère autour du PS.

Lisez donc surtout ce billet important de Dagrouik qui concerne surtout les ségolénistes et nous semble tout à fait pertinent au vu de la situation actuelle. Allez voir l'appel de la Nouvelle Gauche aussi.

Et bonne semaine.

24 mars 2008

La journée gaulliste à la Pire Racaille

A verser au dossier "Les autres présidents avaient quand même de la classe" - un peu nostalgique mais qu'y faire? - des instruments de mesure de la dégradation qualitative du style présidentiel, cette lettre de De Gaulle à Malraux en 1958 à la sortie de l'un des ses essais sur l'art:

Mon cher ami,

Je vous suis, pour ce qui me concerne, profondément reconnaissant d'avoir écrit La Métamorphose des Dieux. Car j'y ai senti, mieux encore peut-être que dans vos autres ouvrages, ce souffle à quoi rien vraiment ne se compare et qui est le vôtre, André Malraux. Grâce à vous, que de choses j'ai vues - ou cru voir - qu'autrement je devrais mourir sans avoir discernées. Or, ce sont justement, de toutes les choses, celles qui en valent le plus la peine.

A méditer quel que soit son opinion sur le Grand Charles.

- nabokov

La presse admire la ligne printemps-été de Sarkozy

Depuis la déroute humiliante de la droite aux municipales, la mode dans les médias est de savourer les efforts de notre Très Grand Homme (TGH) pour se "présidentialiser". Il paraît que même l'intéressé parle en ces termes (voir le Canard de cette semaine). Je me suis déjà interrogé sur la possibilité d'un style bling-bling très voyant à un style qui serait, d'après Devedjian (mon UMPiste préféré), plus "classique", donc de s'afficher comme celui qui s'affiche moins.

Sarkozy a beau être la cible d'ignobles attaques dans les médias, il pourra toujours compter sur Le Monde pour une approche favorable. Aussitôt désavoué par l'opinion, il faut faire de Sarkozy un petit gars sympathique qui se plie en quatre pour bien faire son boulot.

Premier exemple : cette comparaison, par Bertrand Le Gendre, entre Sarkozy et De Gaulle, comparaison a priori défavorable : Sarkozy y a quand même l'air d'un guignol, surtout dans le récit de la scène du "honeymoon" avec Merkel devant les journalistes. Et pourtant, à la conclusion de cette "analyse", Le Gendre insiste surtout sur le côté Vieille France du Général :

Personne n'imagine non plus de Gaulle montant quatre à quatre les marches du perron de l'Elysée en short Nike. Ni faisant un jogging dans les rues de Manhattan vêtu d'un tee-shirt "NYPD" (New York City Police Department). Invariablement habillé d'un costume foncé, le Général ne le quittait que pour son uniforme de serge kaki. Même son fils Philippe ne l'a jamais vu, dans le parc de Colombey-les-Deux-Eglises, qu'en veston et cravaté.

Ce sont les dernières lignes du papier. Tout est toujours bien équilibré : si Sarkozy n'est pas assez présidentiel (Nike, NYPD), De Gaulle l'était trop, ou le serait trop encore pour notre époque. Evidemment. Ce qui confirme l'argument premier de Sarkozy : il faut un président "moderne", "transparent" et "décontracté", pas comme ce vieux schnoque de De Gaulle. Sauf que malgré tout De Gaulle était encore plus "transparent" que Sarkozy : non seulement payait ses propres "frais de bouche" et ne se serait pas autorisé à doubler son propre salaire, mais, même en termes vestimentaires, il était en public comme il était en privé : le même veston, la même cravate.

C'est donc la nouvelle technique médiatique : se moquer gentiment des excès de Sarkozy, tout en admirant chacune de ses tentatives, pourtant risibles, de se présenter comme plus digne.

Le papier de Philippe Ridet de la semaine dernière fournit bon nombre de ces anécdotes, surtout Sarkozy au plateau des Glières :

Originellement, une garde rapprochée composée de Brice Hortefeux, Nicolas Bazire et Pierre Charon aurait dû être de cette cordée haut-savoyarde. "Trop clanique", a jugé M. Sarkozy qui ne souhaite pas aller trop loin dans la comparaison. "Honnêtement, c'est mieux que l'autre...", lâche-t-il dans une allusion un rien perfide à son prédécesseur.

Admirez-moi! Admirez-moi! Personne ne peut lui expliquer que pour avoir la classe, il ne faut pas avoir l'air de chercher à tout à prix à l'avoir? Non, ne lui expliquez pas, ça ne fait rien.

Le schéma est toujours le même, pourtant : on se moque du TGH, et après on se rassure en l'admirant. Le moment le plus mielleux de l'article de Philippe Ridet est pourtant la scène du conseil des ministres :

"Plus les obstacles se multiplient, plus il faut de calme et de sang-froid", a expliqué le chef de l'Etat. On croirait du Chirac. Les anciens ministres respirent : ils ont retrouvé un président.

Il suffit de dire une connerie pour que la présidentialité de Sarkozy soit rétablie : ah, enfin un président! Oui, c'est incroyable : il a dit "calme" et "sang-froid". Dans la même phrase en plus! Quel homme! Philippe Ridet depuis longtemps me paraît sinon franchement sarkophile, du moins trop content d'avoir accès en permanence au TGH pour être contrariant. Mais le phénomène dépasse un seul journaliste, ou même un seul journal : l'obsession du style, de l'anti-style, du style de l'absence de style est en train d'occulter, à nouveau, la dimension politique de ce style.

Le style de Sarkozy n'est pas accessoire, un "habit" que l'on endosse pour communiquer plus ou moins bien. Le style de Sarkozy est indissociable d'une certaine pratique du pouvoir, réalité que tous ces bavardages autour du style ne font que dissimuler.

23 mars 2008

Libertés numériques

De plus en plus souvent, les bloguers de gauche sont victimes de différentes formes de harcèlement judiciaire. J'ai déjà parlé, comme beaucoup d'autres, de l'épisode où le sarkozyste Yves Jégo a intenté un procès pour diffamation contre un blogueur qui l'avait traité d'"apparatchik". Apparatchik vous vous rendez compte? Pauvre Jégo. Bientôt ce sera le tribunal dès qu'on dira de quelqu'un qu'il est sarkozyste.

Ces pratiques sont évidemment honteuses, et le seraient encore plus si on vivait dans une démocratie moderne où la liberté de parole était véritablement acquise. Espérons que cette utopie adviendra, pour l'instant c'est mal barré.

La signification réelle de l'arrivé de celui que Dagrouik appelle "our New Toy", oui, Nicolas Princen, notre Troll National, n'est pas encore claire, mais sa présence n'est pas encourageante. C'est ainsi que tout naturellement des blogueurs s'unissent pour défendre les blogueurs. Nicolas J. parlait de cette question l'autre jour, et exprimait ce qui serait son désarroi devant une procédure judiciaire. Heureusement, la blogosphère est là, et elle contient des juristes pour nous aider. Je vous encourage à aller voir le nouveau blog, Libertés Numériques qui va s'occuper de cette question qui risque, malheureusement, d'être de plus en plus d'actualité.

Joyeuses Paques.

22 mars 2008

Les UMPélo-traitres

Hier je parlais des signes indiquant que les cadres UMP, dont beaucoup auront désormais beaucoup plus de temps libre qu'il y a une semaine, voulaient à la fois se taper les uns sur les autres, et se faire passer pour des gauchistes soucieux soudain du "social". Là, on voit qu'ils continuent sur leur lancée : vingt députés UMP publient une tribune, non dans Marianne mais dans Les Echos (quand même, histoire de montrer que ce sont des hommes), s'inquiétant d'une absence de justice sociale dans les réformes que prépare notre Très Grand Homme (TGH).

Non, ce n'est pas une faute de frappe. Vous avez bien lu : "justice sociale". Curieux, non?

A l'issue des élections municipales, nous voulons et nous devons poursuivre les réformes, même les plus difficiles. Mais nous savons qu'elles ne seront acceptées et soutenues par les Français que si elles sont marquées du sceau de la justice.

Ce ne sont pas des nouveaux Ché, quand même. Ils restent persuadés de la nécessité des magnifiques réformes qui nous attendent :

Nous soutenons la volonté de réforme du gouvernement, mais nous restons très vigilants vis-à-vis du contenu des réformes, qui ne peuvent se faire sans esprit de justice.

Mais ils sont vigilants. Ca me rappelle quelque chose.

Bref, ces vingt signataires de l'appel des Echos profitent de la faiblesse de Sarkozy pour en faire leur fusible. Ils soutiennent les réformes, mais ne veulent pas subir les conséquences sociales. Si jamais les réformes devaient mal passer auprès des électeurs, nos vingt signataires pourront dire : "on vous avait pourtant prévenus". Et si au contraire ça se passe bien, ils clameront "vive la réforme". En tout cas, la zizanie à droite n'est pas loin. Je le sens.

Sarkozy et sa gomme

Depuis quelques semaines, le Pouvoir nous annonce le nouveau style de notre Très Grand Homme (TGH). Mathieu Potte-Bonneville fait un commentaire littéraire de la question, et c'est grâce à lui que j'ai pu apprendre que Devedjian, l'une de mes figures UMP préférées et grand poète à ses heures perdues, a dit que Sarkozy allait passer du "baroque au classique". Il est légitime de se demander si "baroque" est vraiment appropié, mais Devedjian fait dans l'euphémisme avec beaucoup de délicatesse d'ailleurs.

Le grand problème désormais du TGH, en termes d'image, c'est qu'il est difficile de se réinventer par soustraction. Même si l'on admet que la personnalité de Sarkozy lui permettra de se maintenir en retrait et en hauteur, et même si l'on admet que le système politique de Sarkozy peut survivre à ce même retrait, il reste un problème majeur de communication. L'omniprésence dont on a tant parlé est difficile de remplacer par une absence de présence. Les téléspectateurs ont beau avoir la mémoire courte, l'absence d'images efface difficilement les images déjà présentes.

L'image de Sarkozy va être plus difficile à effacer qu'à constuire. Difficile de s'afficher dans le retrait.

PS : stratégie ou réflexion?

Ce matin je disais que les réussites électorales semblaient attiser les rivalités à l'intérieur des partis. C'est également vrai pour les défaites, comme on peut le constater à l'UMP. C'est l'ordinaire de la politique.

Ainsi, déjà, les coûteaux sortent pour préparer le nouveau round qui commence. Ce sera sans gants, car le principe de ne rien dire avant les municipales ne tient plus. C'est dans des moments comme celui-ci que l'on peut s'attendre à ce que Lionel Jospin prenne sa plume pour donner des leçons aux autres tout en essayant de nuire à Ségolène Royal. Ce qui est fait.

Jospin lance quelques piques assez pertinentes contre Sarkozy :

En s'attribuant tout l'espace, en court-circuitant ses ministres, en prétendant être la mesure de toute chose, le président a déstabilisé l'exécutif et démobilisé sa majorité parlementaire. Il a aussi désorienté les Français.

[...] Le président a altéré sa fonction en prétendant incarner toutes les autres et, par son comportement insolite, il est devenu le symbole d'une politique confuse. Lui qui se voulait tout-puissant se retrouve affaibli. Le premier ministre, qu'il avait marginalisé, s'est redressé : en agissant normalement, il a bénéficié d'un effet de contraste.

Evidemment, écrire cela aujourd'hui n'est pas franchement un acte de courage politique. Il était possible de faire exactement la même analyse il y huit ou neuf mois. Voici ce que j'écrivais, blogueur débutant, le 23 mai 2007:

Le pouvoir sarkozien sera unifié. C'est-à-dire que les distinctions sur lesquelles sont fondées l'état de droit (mais pas l'Etat de Droite, apparamment) vont progressivement s'éffriter. Et c'est déjà parti : confusion entre le rôle du président et celui du premier ministre, entre les pouvoirs de l'Elysée et ceux du gouvernement et des ministères [...], confusion entre l'Etat et les grandes entreprises [...], confusion entre l'Etat et l'UMP [...], confusion entre le pouvoir et la presse [...], confusion des responsabilités des administrations avec un découpage ministériel inédit, et même confusion entre la droite et la gauche avec un gouvernement d'"ouverture" qui brouille les cartes (et la perception populaire de l'action gouvernmentale) encore plus.

[...]

Mais à cette image-là, il faut ajouter celle d'un bloc de pouvoir qui s'étend à tous les aspects de la vie publique. Sarkozy sera dans tout, et tout se ramenera à Sarkozy.

A ce stade taper sur Sarkozy est donc pour Jospin un exercice obligatoire, une mise en bouche avant d'arriver à son véritable sujet, Celle que l'on ne nomme plus mais qu'il faut à tout prix empêcher de s'emparer du PS:

Parmi leurs dirigeants actuels, les socialistes doivent choisir pour la porter à leur tête une personnalité dotée d'une culture et d'une expérience politiques indiscutables. Qui connaisse le PS et respecte ses militants. Qui ait la volonté de redonner à tous le sens de la réflexion et de l'action collectives pour faire des propositions cohérentes au pays.

La culture et l'expérience politique de Ségolène Royal ne seraient pas, aux yeux de Jospin, "indiscutables". Bon. Nous sommes habitués à ce point de vue.

Curieusement, pour Jospin, la question de la direction du PS est son unique faiblesse :

Le second déséquilibre du PS concerne l'écart entre son potentiel collectif et sa panne de leadership. Les difficultés ne sont ici ni programmatiques ni stratégiques : un programme se mûrit et une stratégie s'affine. Mais il faut pour cela un chef de file reconnu qui mette chacun au travail.

C'est surprenant d'entendre cela, car depuis dix mois les différents refondateurs du PS n'ont eu de cesse de décrier précisément les difficultés "programmatiques" du PS, entre le sarko-socialisme de Manuel Valls, les querelles autour du TCE, les DSKïstes qui veulent rabibocher le socialisme et le marché (alors que c'est déjà fait depuis à peu près l'origine du socialisme) il est difficile de comprendre que le programme soit si "mûr" que cela. L'écart entre les défaites nationales du PS et ses victoires locales s'explique, en partie du moins, par l'extrême difficulté actuelle de formuler un programme national, tandis que l'espace local permet au contraire aux candidats de formuler un socialisme cohérent. Bref, dire aujourd'hui que le PS n'a pas besoin d'une réflexion sur son programme ou sur sa stratégie, c'est sans doute irresponsable, et, sous la plume de Jospin, c'est très certainement stratégique, justement.

Car ce qui se prépare - les signes sont déjà visibles - c'est un grand mouvement chez les ténors du PS contre la réflexion. Cambadélis annonce que son groupe de "reconstructeurs", initialement prévu pour protéger le parti des dégâts d'une compétition Royal-Delanoë, va peut-être accueillir Delanoë aussi, pour devenir en réalité un front anti-Ségolène, défini surtout par des considérations stratégiques. Car on conçoit mal ce qui, sur le plan "programmatique", ce qui pourrait unir strauss-kahniens, fabusiens et montebourgeois.

Même son de cloche du côté de Fabius, d'ailleurs :

"Nous allons devoir préparer un projet différent de celui de notre candidate puisque celui-ci a été rejeté."

Pris à la lettre, il est permis de penser que même la candidate pourrait être d'accord : il n'est pas question de repartir avec exactement le même projet qu'en 2007. Mais la formulation de Fabius, qui met l'accent sur la différence vis-à-vis de Royal, laisse entendre clairement un Tout Sauf Ségolène latent. Ou pas si latent que ça, au fait.

L'ennui avec ces considérations stratégiques à l'intérieur du PS, c'est qu'encore une fois elles risquent d'occulter le débat. Les grandes synthèses molles de l'après TCE que tout le monde mettaient au compte de François Hollande vont, au nom d'un barrage contre Ségolène Royal, se refaire cette fois sans Hollande. Malheureusement, Ségolène Royal est devenue le nouveau prétexte à un immobilisme. Curieusement nous sommes passé des appels à répétition, à peu près vides de sens, en faveur d'une réfondation impossible à décrire, à un satisfecit jospinien, à l'éloge du statut quo et à des alliances tactiques qui permettront à certains de sourire côte-à-côte sur les photos de famille sans pour autant avancer la réflexion.

Marc Vasseur s'inquiétait (mais je ne retrouve pas le billet), avant les municipales, de la perspective d'une victoire qui arrêterait tout processus de rénovation au PS. Nous y sommes.

Update: voir le billet d'intox2007 sur la tribune de Jospin et nos stratèges au PS.

21 mars 2008

"Que du bonheur!" ou La Camaraderie UMP

C'est sans doute une loi immuable de la politique (du moins en France) : dès qu'un parti politique connaît une quelconque succès, le lendemain du triomphe doit être occupé à se battre avec ses camarades.

Après l'élection présidentielle, Sarkozy a réussi, en s'imposant avec sa magnifique personnalité d'homme providentiel et, au départ au moins, avec son statut de président, à tenir les siens pendant quelques mois. C'est fini maintenant, car les cadres de l'UMP n'est pas contents d'avoir perdu autant de mairies. Ainsi avons-nous le plaisir de lire chez MediaPart des choses comme ce compte-rendu de la réunion du groupe UMP à l'Assemble, où l'on tonne par exemple contre "l'ouverture" :

Claude Goasguen, vainqueur quant à lui à Paris, a regretté la main tendue à des mammouths socialistes, s'inquiétant que le nom de Claude Allègre, ancien ministre de Lionel Jospin, ait pu circuler pour un poste ministériel. « Tant qu'on n'invite pas des diplodocus ou des tyrex, ça va !» a relativisé l'un des vice-présidents du groupe, Bernard Deflesselles, à la sortie de la réunion.

Ou encore sur le fond et la méthode :

Plusieurs députés ont toutefois cogné sur le contenu même des politiques engagées par le gouvernement. Ainsi Jean-Luc Reitzer (Haut-Rhin) a osé trois reproches : « Sur le pouvoir d'achat, j'ai expliqué qu'avec 0,8% d'augmentation pour le traitement des fonctionnaires et environ 1% pour les retraites, fallait pas s'étonner qu'une part de l'électorat ait décroché, racontait-il mardi après-midi par téléphone. Par ailleurs, je suis pour les réformes, mais pas opérées à la hache, comme ça a été le cas sur la carte judiciaire. J'ai aussi regretté à voix haute la mise en place de franchises médicales, payées par les malades ; on aurait mieux fait d'augmenter les cotisations, comme en Allemagne ! »

Pour enfin chercher, eux, à ressembler au PS:

Une part non négligeable du groupe penche ainsi pour un rapprochement avec le centre, et l'expression d'accents plus sociaux.

Je parle de tout cela pour rappeler que, contrairement à ce que l'on a tendance à dire souvent depuis quelques temps, il n'y a pas qu'au PS que l'on s'entredéchire, où la vie quotidienne est faite de rivalités et coups tordus. Et si ces exemples ne suffisent pas à vous remonter le moral, prenez le temps de penser à l'attaque des Balkany contre Devedjian entre les deux tours des municipales.

Je reviens tout à l'heure pour parler du PS.

19 mars 2008

Princen est un message aux non-internautes

Maintenant qu'il n'y a plus de visites à gratter en postant sur l'affaire Princen "l'oeil de Sarkozy sur le web", qui a donné un peu de célébrité inattendue à des blogs méritants et a fait exploser quelques sitemeters, sans même essayer imaginer ce qui a dû arriver à ceux de Dagrouik et Peuples, maintenant que la fièvre est retombée un peu, on peut se demander ce qu'il en est de la comm' élyséenne.

Le flicage du Net paraît inefficace, plus ou moins impossible. Sarkozy n'arrive même pas à faire condamner le Nouvel'Obs pour l'histoire du SMS et s'en trouve réduit à envoyer son épouse à le défendre au Monde dans une tribune maladroite et naïve. On imagine mal comment il pourrait espérer mieux s'en tirer en s'attaquant aux rois du "buzz" que sont nos Boulets. Ou avec toute autre forme de "contre-attaque". Mais là c'était le sujet du billet d'hier.

Les pros de la veille signalent une énorme erreur de communication : il ne faut pas dire que l'on surveille si l'on veut surveiller efficacement. C'est la thèse d'un billet de Nick Carraway, billet halluciant par son érudition, qui suggère de voir, avec un peu d'ironie, dans la maladresse sarkozyënne une "révolution copernicienne dans l'épistémologie de l'observation". Il ne cite pas le principe d'incertitude de Heisenberg mais il ne manque pas grand'chose d'autre. (Enfin, si : la relation sujet-objet a quand même une certaine histoire...)

Nouveau cafouillage, alors ? Observation inefficace ou contradictoire ? Pourquoi en effet dévoiler ses intentions aussi visiblement. Juan se demande si la nomination de Princen est ridicule ou hypocrite. Sûrement les deux. Mais je me demande si le problème dans l'interprétation de ce geste maladroit n'est pas dû au fait que le message (car Princen est, à ce stade, essentiellement un message) n'est destiné ni aux internautes, ni à l'ensemble des téléspectateurs, mais essentiellement à des fidèles sarkozystes, notamment cette tranche de la population au-dessus de 65 ans qui commence à douter, plus à cause de Carla que du Paquet (Fiscal), et au-delà à toute cette population de conservateurs qui voudraient aimer Sarkozy mais qui n'y arrive plus, à ces populations pour qui l'internet est une chose étrange et effrayante.

La défense de Sarkozy en ce moment est : on adore ma politique, mais on déteste mon style. Et c'est aussi : je suis la victime d'attaques inadmissibles. En provenance de l'internet. Donc, cher électeur UMP, cher député UMP venant de perdre votre mairie, j'ai un type qui va arranger tout ça. Un pro, un jeune (car il n'y a que les jeunes à comprendre l'informatique, mon Jean, il fait toutes sortes de choses, tandis que moi, l'informatique...). Ce Princen va nous règler cette histoire, remettre ces gens-là à leur place. Ça va me libérer, je pourrais revenir comme avant. La tête haute.

Comme souvent, il est difficile de distinguer dans ce scénario ce qui relève de l'optimisme et du fantasme présidentiel, et ce qui relève de la stratégie communicationnelle proprement dite. Sarkozy est fort quand les deux coïncident ; il est nul quand il faut vraiment réfléchir. Il est possible que ce message ait atteint sa cible véritable. Il est tout aussi possible que les dommages collatéraux soient importants. En termes de com', bien sûr. Et de buzz.

Je suis là-bas

Tiens, j'ai fait un billet sur Equilibre Précaire.

18 mars 2008

Des Boulets pour sauver la République

Ce sera beau, le jour où le jeune Nicolas Princen (voir notre billet précédent) prendra pleinement conscience du phénomène des Boulets du Web 2.0. Et ce jour risque d'être très proche.

Si vous ne connaissez pas les Boulets, il faut faire un tour dans ce quartier étrange. En fait, il y a de bonnes chances que vous les connaissez déjà : blogueurs politiques par jour (ou par nuit), et boulets la nuit (ou le jour, ou les deux), les Boulets 2.0 ont créé des labyrinthes de liens et de mots clés qui auront rapidement raison du calme HECien de notre Premier Troll. Quand il fera des recherches sur les différents membres du gouvernement "nues" ou "nus", et il tombera sur le blog de Trublyonne, ou celui de Gaël, ou celui de Quicoulol, ou celui-ci de Nicolas J. (pas S., pas P.), ou encore celui-ci ou celui-ci (que je connais moins mais qui a l'air très bien).

Quand Nicolas P. se demandera pourquoi on parle de telle ou telle grande figure de la République "nue" en train de "configurer un serveur mysql", saura-t-il riposter de façon sarkozyste ? Car voilà le problème (pour lui) : l'univers de Boulets n'est pas compatible avec, celui, policé et policier, de Neuilly, de l'UMP et des augustes couloirs de l'Elysée. Face aux Boulets 2.0, il n'y a pas de riposte possible, mais il n'y a pas non plus de non-riposte possible. Face aux Boulets 2.0, Nicolas Princen déraille, s'embourbe, voit ses efforts réduits à rien, ne sait plus comment rédiger des rapports pour ses supérieurs : "Quelqu'un qui s'appelle Quicoulol dit qu'il n'a aucune photo de Christine Lagarde nue... qu'est-ce qu'on fait?"

Ainsi, je place beaucoup d'espoir en les Boulets du Web 2.0 pour garantir la survie des valeurs républicaines.

17 mars 2008

Hah!

Moi qui pensais que nous, les blogueurs de gauche, les anti-sarkozystes primaires, on ne faisaient que de rigoler entre convertis, à se rassurer qu'on n'étaient pas seuls dans nos convictions d'un autre temps, à passer le temps en attendant 5, 10, 15 ans et en espérant que les dégats se seront par miracle un peu limités... bref, moi qui pensais que tout cela ne servait à rien mais que ça défoulait pas mal...

Et puis, soudain, il y a quelqu'un qui arrive pour dire "je vous écoute". C'est lui : Nicolas Princen.

Via Juan :

"Outre François de La Brosse qui s'occupe du site Internet de la présidence, un jeune normalien-HEC de 24 ans, Nicolas Princen, viendra renforcer ce pôle avec la charge de surveiller tout ce qui se dit sur la Toile, de traquer les fausses rumeurs et de déjouer toute désinformation à l'encontre du Président. L'objectif: contre-attaquer aussitôt. En quelque sorte, un retour à la méthode qui a permis à Nicolas Sarkozy de gagner." (Source)

Alors comme ça, le Web commence à faire peur! Ha! Et triple "Hah!"

Bienvenue Nicolas P. !

Et bon courage pour les contre-attaques.

La droite interprète la claque qu'elle n'a pas reçue

"Locale!" dit la droite. "Nationale!" dit la gauche. Il est de bonne guerre, je suppose, d'essayer de minimiser la claque électorale en insistant sur sa dimension locale.

Il faudrait quand même prendre les gens pour des imbéciles - mais ce ne serait pas la première fois - que de prétendre que le resultat d'hier soir est simplement dû au hasard : simultanément, dans un très grand nombre de communes, les électeurs auraient tous décidé que leur équipe, ou le programme de telle liste de gauche étaient mieux pour leur ville. Le fait que ça se passe partout pareil, c'est le hasard. Mais quand il s'agit de prendre les gens pour des imbéciles, François Fillon est très fort :

"Chaque commune, chaque canton présente des spécificités. Il est donc malvenu de tirer de ce scrutin des leçons nationales. Le vote des Français ne doit pas être instrumentalisé par des considérations partisanes. Il ne faut pas tout mélanger"

Bizarre que toutes ces spécificités se soient alignées à gauche cette fois, non? C'est peut-être l'effet de la lune, qui sera pleine le 21 mars, jour de l'équinoxe. La claque de la droite n'était donc pas tout à fait dû au hasard alors.

Bizarre aussi qu'individuellement, les candidats battus expliquent leurs défaites par "le contexte".

Françoise de Panafieu a relativisé sa défaite au second tour des municipales de Paris en expliquant que «malgré le contexte difficile», la droite «maintenait ses positions». Et de conclure : «Paris résiste!»

Même Jean-Marie Bockel, qui n'a même pas perdu, voit l'ombre du contexte

a estimé que des «éléments de politique nationale» avaient pesé sur les élections municipales. «Tout le monde a pu observer que nous étions dans un contexte particulier» qui a «impacté le débat, y compris localement», a-t-il commenté.

Et Nadine Morano ose même parler de "vote sanction" pour expliquer sa troisième place.

«Vote sanction». L'expression est de Nadine Morano, porte-parole de l'UMP, arrivée troisième à Toul avec 26.26%. «Je paye une petite part du vote sanction au niveau national» explique-t-elle sur France Info. (Source des trois citations)

Pour les locaux, c'est un problème national. Et inversement. Le caractère national ou local du scrutin dépend largement de l'endroit où l'on se place, surtout si on se place à droite.

16 mars 2008

C'est quoi, "claque", en novlang?

Il paraît que notre Très Grand Homme (TGH) n'aime plus Patrick Devedjian. Quant à moi, je serais triste si Devedjian devait quitter la direction de l'UMP, tellement ce personnage antipathique incarne l'esprit de son parti.

Je le regarde là en train d'arugmenter... Je résume son explication de la claque que lui et les siens viennent de prendre.

  1. Notre électorat a été plus abstentioniste que les autres
  2. Nos électeurs sont restés chez eux parce qu'ils sont tellement impatients que les réformes aillent vite qu'ils n'arrivent même pas à aller jusqu'au bureau de vote.
  3. Comme quoi, il faut aller vite, "plus fort, plus loin, plus haut dans les réformes".

Super. C'est hyper logique. S'ils avaient été encore plus abstentionnistes, ces fervents sarkozystes brimés par la lenteur des réformes, ç'aurait été la démonstration absolue que Nicolas Sarkozy bénéficiait du soutien de la France entière.

Et maintenant on sait, grâce au lancement de Médiapart, à quoi ressemblent ces "réformes". Ce n'est pas joli-joli. Wildo reprend les points essentiels.

L'effort de déni collectif et massif est lancé.

15 mars 2008

Sarkozy lâché par ses propres xénophobes ?

Dans un tchat du Monde, Dominique Reynié, professeur à l'IEP de Paris comment ainsi les scores des cantonales au premier tour:

Ce que l'on observe et qui me paraît très important, c'est un mouvement d'effondrement du vote Front national qui ne profite pas à la droite de gouvernement. Donc la droite de gouvernement devient peu à peu minoritaire et n'a plus de réserves électorales.

J'essaie de ne pas être trop optimiste quant à l'avenir électoral (je ne parle pas du scrutin de demain), car je ne suis pas sûr que la popularité du Très Grand Homme (TGH) restera aussi bas pendant tout son mandat. (Julien Tolédano pense que Sarkozy est "fini politiquement".) En ce moment même, la signification de son impopularité n'est pas encore fixée, d'où les tentatives de la droite de cacher leur politique derrière les fautes de goût du Président. L'impopularité est constatée mais pas encore tout à fait interprétée, et c'est cette interprétation qui déterminera bien des choses pour la suite.

La remarque du politicologue sur l'éffondrement du FN est assez intéressante à cet égard, car elle souligne ce qui aurait dû être une évidence : Sarkozy ne pourra pas garder longtemps ses électeurs Front National. Les manoeuvres de campagne qui ont permis à Sarkozy de s'emparer d'une grosse part du vote Front National à l'élection présidentielle avaient en fait deux ressorts : d'une part la xénophobie impénitente désormais symbolisée par l'ignoble Brice Hortefeux, et d'autre part la rhétorique de rupture, plus rien ne sera comme avant, "tout devient possible" (y compris le pire...). C'était essentiel d'avoir ces deux éléments, car le Front National n'est pas seulement un parti raciste, xénophobe et antisémite, mais c'est un parti dont l'un des principaux attraits (pour ses électeurs) est justement son côté contestataire. Pendant des décennies, Jean-Marie Le Pen a su tirer profit de sa diabolisation pour se rendre désirable pour cette frange de la population. Ainsi, pour prendre les voix qui auraient dû aller à Jean-Marie Le Pen, il fallait être xénophobe et promettre la "rupture".

Ensuite, Sarkozy devient président, incarne le pouvoir de l'Etat, et épuise largement son crédit personnel. Quelques gestes xénophobes, fût-ce à Toulon, ou même de Villiers au gouvernement, ne suffiront plus à ramener ces électeurs qui exigent avant tout un programme politique destructeur et vengeur. Et je parierais que pour certains de ces électeurs, la xénophobie n'est que le prétexte pour l'expression d'une haine plus générale et diffuse, une violence envers la société qui ne peut que se focaliser sur l'exercice ostentatoire du pouvoir sarkozyën.

14 mars 2008

Bayrou drague l'UMP

François Bayrou, comme Ségolène Royal et Dominique de Villepin, avait signé l'appel républicain de Marianne. François Bayrou passait pour être l'un des seuls capables de porter la contradiction à Nicolas Sarkozy.

Mais soudain, il lui faut des voix de droite, des voix de l'UMP, pour gagner à Pau. Du coup, il devient beaucoup plus soft:

L'objectif est clair : convaincre l'électorat de M. Urieta que, s'il veut empêcher Mme Lignières-Cassou et "la liste d'union de la gauche version années 1980-années 1970" de l'emporter, le seul vote utile est celui en sa faveur. "Je n'ignore pas que j'ai pu en exaspérer certains quand j'ai exprimé mes différences, au plan national, avec la manière dont s'exerçait le pouvoir, concède M. Bayrou. Mais il faut que nous nous retrouvions ensemble sur l'essentiel. Dimanche soir, le nouveau maire de Pau s'appellera Martine Lignières-Cassou ou François Bayrou, fermeture ou pluralisme. C'est vous qui avez les clés du destin de la ville."

Ah, il en a "exaspéré certains" avec ses critiques du pouvoir ? C'est oublié. Car il faut s'entendre sur l'essentiel. Un peu plus et la candidate de gauche serait carrément une stalinienne, tandis que les différends avec le Très Grand Homme (TGH) ne seraient que des petites chamailleries entre copains. Pour être centriste, il faut être souple.

Si j'en parle, ce n'est que pour retenir le geste de Bayrou, pour plus tard quand il fera les yeux doux à la gauche. Eric Mainville a raison de dire que ces histoires de MoDem ou encore de rivalité Royal-Delanoë ne sont que des leurres pour distraire les téléspectateurs du véritablement événement du premier tour : la claque.

Edit: J'ai un peu transformé le billet d'Eric dans ma lecture. Voir les commentaires pour le fin mot de l'histoire.

13 mars 2008

Lire le MoDem, élire le PS

Je ne suis pas contre l'existence du MoDem. A la différence de l'UDF traditionelle, le MoDem est malgré tout beaucoup plus critique vis-à-vis de l'UMP et de la droite en général, et de ce point de vue, au moins, le MoDem présente quelques avantages. Le problème du MoDem, cependant, c'est son ambiguïté.

Dans un de ces billets d'une clairevoyance directe dont il garde précieusement le secret et qui lui a valu d'être cité, encore, par notre cher quotidien véspéral (en même temps qu'un autre illustre confrère), Nicolas J. écrit :

La stratégie du Modem permet juste de faire perdre toute lisibilité à la politique Française.

François Bayrou a eu beau jeu de dénoncer, depuis belle lurette maintenant, les effets néfastes du jeu des partis. On voit bien aujourd'hui que son mouvement dépend en fait de ce jeu. Comment sinon un parti faisant un score aussi faible pourrait-il devenir l'objet de toutes les convoitises ? Le rôle d'arbitre du MoDem n'est pas la conséquence de sa force politique, mais de son positionnement. On sait que le LCR ou le PCF ne vont pas s'allier à l'UMP ; au pire leurs voix disparaissent au second tour. Grâce à leur position centrale, les voix du MoDem, si elles étaient véritablement disciplinées, comptent double selon les alliances : tant de voix en moins pour les uns, autant en plus pour les autres. Difficile de dire, dans ces conditions, que le bipartisme ne profite pas à François Bayrou.

Et voilà l'autre gros inconvénient du MoDem, qui, il me semble, pèse plus lourd pour le PS que pour l'UMP : grâce à l'ambiguïté savamment entretenue, le MoDem peut paraître à gauche sans être à gauche, attirer les décus du PS finalement pour neutraliser leurs voix. Julien Tolédano a raison de dire que la plupart des nouvelles recrus du MoDem ne sont sans doute pas pleinement consciencts de la dimension démocrate-chretien de leur parti. Lors de l'élection présidentielle, je n'avais pas compris comment Bayrou pouvait promettre des réductions budgétaires très importantes sans avoir à répondre des effets (énormes) des coupes qui aurait été nécessaires. Mais encore une fois, ce rôle de réceptacle des déçus des autres partis, c'est le produit du bipartisme. Le MoDem n'a pas besoin d'avoir une ligne politique claire car il profite de sa place dans le système.

La démonstration de ce que je viens de dire va peut-être se produire à Toulouse, où l'accord MoDem-UMP semble avoir débouché aussitôt sur des excellentes nouvelles : un sondage accréditant Pierre Cohen, le candidat socialiste, de 53% des voix. Si ce chiffre peut s'expliquer, du moins, en parti, par la désobéissance (civique) des électeurs MoDem qui n'ont pas voulu jouer le jeu des alliances, cela montre en plus que ce sont bien ces électeurs plutôt de gauche qui se sont laissé "béarner" par le centrisme.

Mais ce 53%, s'il se traduit en un bon résultat, montre aussi que la politique est restée lisible, malgré tout. Car la ligne de Bayrou fonctionne lorsque la droite et la gauche sont globalement proche sur bon nombre de questions, dans un monde où la droite est incarnée par Juppé et la gauche par Jospin. Mais avec Sarkozy, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on ne risque plus de confondre les deux bords politiques. Du coup c'est le MoDem qui devient illisible.

11 mars 2008

Ségostratégie et le MoDem : la théorie de la soupe

Je partais pour laisser un commentaire chez Nicolas J., qui parlait ce matin de la perspective des alliances entre le PS et le MoDem, de quand je me suis dit que la quesiton méritait un billet. Voici ce que disais le taulier de PMA :

Ces jours-ci on parle beaucoup du Modem. Il serait bon de le remettre à sa place. Il a recueilli moins de 4% des suffrages. Autant dire qu'il n'existe pas.

[...]

Le Parti Socialiste n'a pas pour vocation de sauver François Bayrou ou Marielle de Sarnez. Si le Modem se positionne dans l' opposition à l'UMP, on peut discuter. Quand il ne le fait pas : basta !

Les deux points sont parfaitement valables. Le PS est assez fort pour ne pas être obligé de faire la danse du ventre devant le MoDem ; une alliance avec le MoDem n'aurait de sens, à terme, que si ce Parti se prononçait plus clairement.

Dans ces conditions, on peut se poser la question de l'opportunité de l'appel de Ségolène Royal en faveur d'alliances "partout" avec le MoDem. Nicolas est assez sévère :

D'ailleurs Ségolène Royal semble avoir changé d'avis. Au moins, elle est fidèle à elle-même : on dit une connerie dans l'urgence et on rectifie le tir ensuite si ça ne passe pas.

L'épisode reprend presque mot pour mot le scénario de l'entre-deux-tours des législatives de 2007 : Royal qui téléphone à Bayrou, Hollande qui refuse les alliances. Est-ce encore de l'improvisation de la part de Ségolène Royal? Ne pèse-t-elle pas assez ses mots?

Je ne suis pas sûr. Voici ce que j'avais écrit lors des législatives :

Royal crée une nouvelle pression sur le MoDem, moins sur Bayrou que sur ses cadres, qui voient qu'il y a tout de même un peu de "soupe" à obtenir à gauche, et que la stratégie du "ni-ni" permanent risque de s'avérer nihiliste. Je ne connais pas assez bien les dynamiques internes du MoDem pour savoir à quel point ses nouvelles structures sont prêtes à tout sacrifier pour l'ambition présidentielle de son fondateur.

Ségolène Royal est consciente du poids de la soupe. Chaque fois que Ségolène Royal propose quelque chose au MoDem, François Bayrou doit à nouveau se prononcer. Les militants, les candidats locaux voient que ce sont encore eux qui doivent payer le prix de la grande stratégie centriste de leur chef, stratégie essentiellement présidentielle. De même, Ségolène Royal oblige, ou cherche à obliger, Bayrou de préciser davantage sa place sur l'échiquier politique : le refus des alliances à gauche signifie-t-il que le MoDem est trop à droite pour travailler avec le PS ? Alors il y a plus de pression sur les MoDemistes plutôt de gauche mais déçus par le PS. Et si Bayrou penche plutôt vers le PS, c'est tout benef pour Ségolène Royal dans ses combats internes au PS.

Sur ce dernier point, la stratégie de Royal est peut-être même cruciale, car malgré les sourires et les coups de fil, les MoDemistes de gauche sont aussi une cible électorale importante pour elle. Faire sortir Bayrou de son ambiguïté et lui arracher une partie du pouvoir "bobo" doit être un objectif non négligeable.

Benoît Hamon, le modèle social et l'Europe

Tiens, je vais parler d'autre chose que des municipales.

La semaine dernière, cet entretien avec Benoît Hamon, entretien assez dense et détaillé, assez intéressant, a commencé à faire le tour de l'internet. Même Dagrouik écrit : "Vive le camarade Hamon!" en soulignant que "En plus il a une bonne tronche". C'est vrai qu'il est réjouissant d'avoir du débat.

Cependant, j'ai quelques difficultés avec Benoît Hamon, du moins dans un rôle de nouveau champion de la gauche : il était très critique de Ségolène Royal après sa défaite, et il était, proche de Fabius à l'époque, contre le TCE. Et pourtant, ça fait plaisir de voir un jeune cadre du PS s'en prendre la défense d'une gauche plus combative, vraiment à gauche, une gauche qui s'assume en tant que telle, et ainsi de suite. Bref, Hamon m'oblige à changer un peu de ton, même si je ne suis pas d'accord avec lui sur ces deux questions (Royal et l'Europe). Car il n'est pas question de fustiger quelqu'un qui dit des choses comme ceci :

Il faut refaire de la confrontation et redonner forme aux clivages, pour avoir une opposition plus plausible et très intransigeante. Il faut s'opposer fortement, même si on a rien à dire derrière. Il faut ensuite remontrer les terrains sur lesquels il y a des conflits d'intérêt, et donc un clivage. Je crois que c'est ce travail pédagogique qu'il faut faire sur la société française. On doit amener les gens à prendre la mesure que le sort de chacun ne se joue pas dans la compétition mais dans les grands arbitrages politiques que l'on sera en capacité de rendre : l'ampleur des instruments de redistribution et notamment la vocation qu'on donne à l'impôt.

C'est politique, pugnace. On est content. Et encore plus content avec ceci, même si ces phrases contiennent une critique larvée de la position de Ségolène Royal pendant la campagne :

la nouveauté dans cette élection est que ce consensus a pu se déplacer, y compris sur la doctrine sociale. La gauche a ainsi emprunté au patrimoine intellectuel de la droite les thèmes du donnant-donnant, de la valeur travail, ou encore, le pire pour moi, la dénonciation de la société d'assistanat.

Pour moi, c'est là presque la leçon principale de la défaite : il ne faut pas, par souci d'équilibre ou de centrisme, accréditer les analyses de l'adversaire, que ce soit sur l'"assistinat" ou l'identité nationale. La gauche paraît déboussolée et empruntée quand elle ne s'assume pas en tant que gauche. On ne peut pas reprendre allègrement les thèmes de la droite. Mais passons...

Le problème avec cet entretien avec Benoît Hamon, c'est qu'on ne doit pas se contenter de piocher pour trouver les bons morceaux. Il faut essayer de tout comprendre, tout prendre, pour voir justement les endroits où la ligne de partage entre quelqu'un comme Hamon et quelqu'un comme moi qui veux une gauche efficace et pas molle.

Et voilà que l'Europe revient sur le tapis. Je cite longuement Hamon :

Le modèle social français, c'est un haut niveau de protection social financé par les cotisations des salariés et du patronat, un haut niveau de service public et un puissant Etat-providence. Chacun de ses piliers de notre modèle social est aujourd'hui en crise parce le choix de la construction européenne encourage à la baisse des recettes fiscales avec le pacte de stabilité et encourage à la réduction du déficit. Elle limite donc les capacités des Etats à pouvoir mettre en place des politiques de relance, y compris dans les périodes de faible croissance.

Par paresse pour un certain nombre, par conviction, par facilité ou par opportunisme, il y a des hommes et des femmes de gauche qui se sont convertis aux idées selon lesquelles il est désormais impossible dans une économie mondialisée et capitaliste de bâtir une protection des individus qui soit basée sur la mutualisation et la socialisation.

Je n'ai pas envie d'être casse-pieds, ni de couper un cheveux en quatre, et encore moins de reprendre les débats autour du TCE ou même ceux sur la réponse socialiste au "mini-traité". Ce qui me pose problème dans ce que dit Benoît Hamon, c'est que la construction européenne y devient le symbole de toutes les transformations économiques associees à la mondialisation. Bien sûr, l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui, est loin d'être cette "Europe sociale" que l'on évoque selon les saisons. Bien sûr, les traités européens se font avec des partenaires comme l'Angleterre et la Pologne qui ont des conceptions du "social" très éloignées de celles de la gauche (pas si loin de celle que partage notre Lider Maximo à nous, toutefois). Mais la situation actuelle en France, les menaces qui pèsent sur l'Etat-Providence ne sont pas dûs au seul pacte de stabilité : sans l'Europe, aurait-il été possible de laisser monter systématiquement les déficits publics pour payer un modèle social ? Possible, oui, mais dangereux. Surtout, cela reviendrait à camoufler par la dette une série de choix politiques qui ont progressivement affaibli la protection sociale.

Avant de passer pour un troll UMP, je précise encore une fois qu'il est injuste de faire porter le chapeau à l'Europe pour tout cela. D'autres choix nous ont menés vers la situation actuelle, notamment le fait que, depuis vingt ans, chaque gouvernement de droite (ou presque, il faudrait que je vérifie) a "fait baisser les charges", ou comme le disait notre Très Grand Homme (TGH), réduire l'impôt sur le travail, surtout sur les bas salaires. Quand, comme nous l'a rappelé Ségolène Royal l'autre soir, le salaire médian est de 1500 €, on peut comprendre que la masse salariale défiscalisée est importante. Que ces choix conduisent à un appauvrissement du système ne doit pas être une surprise. En tout cas, ce n'est pas la faute de l'Europe.

Pourtant, Benoît Hamon ne me semble pas représenter une sorte de gauche nostalgique du Mitterrand d'avant "le tournant de la rigueur". L'idée d'une défense et rénovation du système social français pourrait être un axe très intéressant politiquement. Pour qu'elle fonctionne, il faudrait d'abord la débarrasser du discours anti-européen, à la fois utopique, nostalgique et porteuse de divisions à l'intérieur du PS.

10 mars 2008

C'est parti!

Via les Brèves de Juan, cette interprétation par l'aimable Patrick Devedjian des ennuis de Sarkozy :

Il (Sarkozy) tiendra compte du message des Français, d'ailleurs il en a déjà tenu compte. Il est plutôt dans cette rigueur qui est demandée, on passe peut-être un peu de la période baroque à la période classique", a-t-il déclaré sur CANAL+. "Quand les gens protestent, ils ne protestent pas contre le fond de la politique, on l'a vu. Ce que l'on met en exergue, ce que l'on fait apparaître, c'est le style du président"

Voilà, c'est la ligne printemps-été du spin sarkozyste : les Français adorent les "réformes", le fait qu'ils détestent le bonhomme n'est qu'un détail. Nous, grandes âmes de l'UMP, nous sommes bien au-dessus de ces trivialités. Etc., etc., etc., ad libitum.

Je l'avais un peu prévu, cette ligne, celle de la défense du sarkozysme pur (comme si ça pouvait exister), ce qui n'était pas difficile. En tout cas, pour les anti-sarkozystes primaires, comme moi, il n'y a plus de doute sur la ligne, la contre-ligne, à suivre : faire coller l'impopularité du personnage à ses politiques. Cela devrait être facile, et pourtant j'ai l'impression que le sujet va s'avérer glissant et tordu. Serpentin.

Elections antidémocratiques

Du Monde du 18 février :

"un climat très malsain, antidémocratique et antirépublicain avec de très mauvais relents de la presse des années 1930" (Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement), "une utilisation de la République à des fins de règlements de comptes personnels" (Valérie Pécresse, ministre des universités).

Karoutchi et Pécresse parlaient évidemment de Sarkozy victime des médias. Mais aujourd'hui, iront-ils jusqu'à dire que les électeurs qui ont désavoué Sarkozy et l'UMP sont, eux aussi, antidémocratiques ?

Utilisent-ils la République à des "fins de règlements de comptes personnels"? Oui, peut-être.

Edit: petite correction.

8 mars 2008

Deux blogs

Vite fait, voici deux nouveaux blogs sur lesquels je suis tombé (ils ont eu la bonne idée de me blogroller, et je m'en suis aperçu -- voir le billet que j'ai publié par inadvertance) de qui valent le détour : Féminin Singulier et Assez pensé.

Bonnes lectures et bonne journée.

7 mars 2008

6 mars 2008

Vers un sarkozysme sans Sarkozy?

Dans mon dernier billet, je voulais parlais de ce qu'une blogosphère peut encore espérer accomplir, maintenant que le sarkozysme semble être en déroute. Bien entendu, le sarkozyme n'est pas en déroute. Bien entendu, Sarkozy a les pleins pouvoirs pendant encore quatre ans.

Hier je parlais de l'opportunité, pour les blogs de gauche, de se lancer dans l'élaboration d'un ou des projets, des contre-propositions. J'avais l'intention de parler aussitôt de la question cruciale qu'est la popularité de François Fillon, mais je me suis laissé aller à des réflexions plus générales, et puis le moment de cliquer sur "Publier" est arrivé et je n'avais toujours pas parlé de François Fillon. Du coup, le prétexte de deux billets est le même. Je me permets ainsi de me citer pour relancer la question :

Depuis quelques jours, j'ai commencé à prendre la mesure de la disgrâce de notre pauvre petit Très Grand Homme (TGH). Les publicités pour un magazine de gestion invite ses lecteurs à s'inspirer de certaines des techniques de Sarkozy, mais surtout à en éviter d'autres. Même Le Monde, qui jusque là essayait d'expliquer pourquoi la chute de popularité de Sarkozy était injuste, semble avoir enfin accepté l'idée que l'impopularité du Président est devenue une réalité sociale et politique incontournable. Et en même temps, les blogs vigilants montent, les grands blogueurs du sarkozysme inévitable prennent peur.

L'effet secondaire et inattendu de la chute de Sarkozy dans les sondages, c'est donc la popularité paradoxale du premier ministre. Fillon lui-même n'est pas inquiétant, ou seulement pour le Très Grand Homme (TGH). Je ne pense pas qu'il ira très loin avec sa popularité. Son rôle semble être, depuis le début, celui d'une pom-pom girl UMP, ce que prouve sa dernière sortie sur la gauche, qui aurait créé un "climat de quasi guerre civile" (merci à Marc).

Comme le disait dans Le Monde (via Juan), une dame de droite, Sophie de Menthon, présidente d'une association patronale, qui avoue avoir voté pour Sarkozy et qui se dit aujourd'hui "déçue"

Ne vous y trompez pas : la popularité de votre premier ministre n'est pas un plébiscite de votre politique, c'est un satisfecit de sa "bonne conduite".

Je pense que Madame de Menthon a raison, mais ce n'est pas encore une évidence qui s'impose. L'idée que la popularité de Fillon valide la politique de Sarkozy n'est pas morte! Dans un édito très critique du TGH, Libé insiste assez lourdement sur le fait que c'est la personnalité même de Sarkozy qui est en cause, bien plus que sa politique :

Il y a un an, les Français ont écarté Ségolène Royal parce qu'ils ne la croyaient pas faite pour l'Elysée. Et voici qu'aujourd'hui celui qu'ils ont plébiscité se retrouve frappé de la même condamnation. Cette situation est sans précédent. C'est en effet l' homme, et non telle ou telle de ses décisions ou de ses ambitions, qui est en cause.

Cette ultra-personnalisation de la chose, ce qui est tout d'abord le fait de Sarkozy lui-même et de son plan de communication depuis le début, a pour effet pervers de protéger curieusement la politique que Sarkozy prétendait défendre. J'attends, patiemment, le jour où nous entendrons : "oui, Sarkozy est un guignol... l'urgence c'est d'appliquer son programme, celui pour lequel il a été élu". Si j'avais de meilleures fréquentations, je l'aurais peut-être déjà entendu.

Or, le problème, c'est que les Français n'ont pas élu un programme, mais un ensemble de promesses rendues, apparamment, crédibles grâce à la miraculeuse personnalité du TGH : "ce que j'ai dit, je le ferai" ; "je ne vous trahirai pas" ; "les mots ont un sens". Et c'est sans doute pour cette raison que ces mêmes Français indécrottables ne croient plus que ce gouvernement pourra faire quoi que ce soit sur le plan du pouvoir d'achat (toujours selon Libé) :

en 2008, ce qui compte, ce sont les réformes, la bonne cote du Premier ministre démontrant qu'elles ne sont pas en cause. Cette explication est contredite par l'enquête LH2-Libération, qui montre que les Français ne croient plus ce gouvernement en mesure d'améliorer leur pouvoir d'achat.

Si les blogs peuvent faire quelque chose en politique (Nicolas J. nous rappelle que leur influence est marginale), ce serait pas mal d'insister sur le lien entre Sarkozy le bonhomme et l'ensemble des idées sarkozystes. Pour éviter que Fillon puisse incarner le sarkozysme sans Sarkozy.

5 mars 2008

Blogage politique postif, de gauche

Depuis quelques jours, j'ai commencé à prendre la mesure de la disgrâce de notre pauvre petit Très Grand Homme (TGH). Les publicités pour un magazine de gestion invite ses lecteurs à s'inspirer de certaines des techniques de Sarkozy, mais surtout à en éviter d'autres. Même Le Monde, qui jusque là essayait d'expliquer pourquoi la chute de popularité de Sarkozy était injuste, semble avoir enfin accepté l'idée que l'impopularité du Président est devenue une réalité sociale et politique incontournable. Et en même temps, les blogs vigilants montent, les grands blogueurs du sarkozysme inévitable prennent peur.

Monarchie élective oblige, tout cri de victoire sera prématuré pendant au moins quatre ans (et des brouettes). D'autant plus que pour l'instant la chute du TGH semble ne servir véritablement que les intérêts de François Fillon, et peut-être (mais c'est encore trop tôt, malgré quelques signes encourageants) ceux de certains candidats socialistes aux municipales. Monarchie élective oblige, la chute du Président n'est pas la victoire de l'opposition, mais simplement la chute du Président.

Néanmoins, nous autres blogueurs de gauche peuvent être amenés à se poser des questions de stratégie. Il y a six mois, la perspective de discréditer Sarkozy dans l'opinion semblait bien lointaine. Aujourd'hui, cela est acquis, du moins pour l'instant. Faut-il continuer dans la même voie ? Faut-il apporter des nuances ? Sur quoi et sur qui faut-il désormais taper ? Juan, visiblement requinqué, se lance dans la réflexion : faut-il commencer à élaborer des contre-propositions, développer un programme, en somme ? Et il nous propose un scénario proprement effrayant :

Sarkozy dissoudra sans doute l'assemblée nationale dans deux ans, c'est-a-dire en 2010. Histoire de laisser la gauche aux commandes se vautrer, plombée par une refondation incomplete et un pays ruiné par 3 ans de gabegie sarkozyste. Le President a largement montré, ces 10 derniers mois, qu'il tenait davantage a lui qu'a son camp, a sa survie qu'a celle de ses idées.

On reconnaît bien le personnage, y compris son chiraquisme latent. Seul son côté obstiné, son incapacité maladive à lâcher la moindre miette de pouvoir pourrait l'empêcher de faire de la sorte. Mais que ce soit ce scénario ou un autre, l'objection de Juan est importante : le désordre de la gauche pourrait lui être fatal, un jour ou l'autre. Et j'aurais même tendance à dire qu'il nuit déjà à la gauche, qui n'a su rentabiliser la situation actuelle, au delà d'une hypothétique (mais maigre) victoire de Ségolène Royal si l'élection devait se refaire aujourd'hui. Mais, comme le dirait François Hollande, on verra après les municipales.

Quel rôle pour les blogs de gauche, alors? Est-ce à nous de mâcher le travail pour le PS? Pour ma part, je ne trouve pas que ce soit aux blogs de trouver le futur programme de la gauche. Un blogueur -- du moins celui-ci -- n'a pas la responsabilité de créer un programme politique, n'a pas l'obligation, pour être crédible, d'avoir toujours autre chose à proposer lorsqu'il énonce des critiques du pouvoir. Un blog ne cherche qu'à convaincre ceux qui veulent bien le lire, il ne cherche pas à occuper le pouvoir, à diriger le pays. Après tout, par leur essence même, les blogs ne sont qu'un vague rassemblement d'individus, chacun se donnant la peine de formuler un point de vue. En revanche, je ne vois pas pourquoi les blogs n'auraient pas leur mot à dire, leur place dans le débat.

Quand j'ai commencé ce blog, je pensais que l'un des thèmes majeurs serait d'arguer en faveur d'une gauche combative. Je suis opposé au principe d'une réfondation toujours à venir, et pense que la gauche a la responsabilité d'agir dans le présent, fût-elle l'opposition que la Ve République considère inutile. Je pense aussi que ce n'est pas un programme seul qui fera gagner la gauche, mais plutôt un ensemble communicationnel dans lequel le programme aurait évidemment une très grande place. Le rôle "positif" (même si je trouve que la critique acharnée de Sarkozy et des siens est elle-même parfaitement positive), c'est-à-dire la "force de proposition" (comme on dit "force de vente") des blogs de gauche pourrait être dans la création de cette communication, dans l'effort de rendre crédible, pratiquable, efficace la communication de gauche, intervenant quand il faudra dans le débat de fond, toujours très soucieux de comment chaque action, chaque geste des acteurs politiques pourront utilement servir dans la lutte contre les adversaires politiques. En somme, faire du buzz positif. De gauche.

2 mars 2008

Verrouiller le changement

Avant hier, un peu perdu dans une librairie, je tombe sur un petit livre noir par Edgar Morin, Où va le monde ? Comme c'est tout petit, et comme je ne connais pas grand'chose à la pensée de de ce penseur, je l'achète et je commence à le lire. Je me rends compte, au bout de quelques pages, que le livre a été écrit en 1981 et réédité en 2007, quelques mois avant le lancement, par notre Très Grand Homme (TGH), du thème de la "politique de civilisation" dont je parlais déjà l'autre jour. Autant essayer de voir à quoi ressemble une "vraie" politique de civilisation, non?

Pour tout avouer, je ne sais pas encore ce que c'est, en détail en tout cas. Je n'ai encore lu que les 40 premières pages, qui sont parfaitement abordables, même quand on n'est pas historien-philosophe-sociologue-économiste de formation. Et en fait, ces première pages m'ont fait réfléchir un peu, et j'en suis revenu à notre Lider Maximo à nous.

Il y a quinze jours, Dagrouik publiait la réflexion de l'un de ses lecteurs libéraux, sur la question : Sarkozy est-il libéral? Je me souviens d'avoir lu un édito que je ne retrouve plus dans les Echos ou dans La Tribune qui parlait du désarroi et de la déception des "vrais" libéraux après quelques mois de Sarkozy. Je viens de trouver ce billet (en anglais), écrit pendant la campagne par un vrai libéral londonien pour qui le TGH représente surtout la droite dure ("hard right wing"), bien plus qu'une véritable pensée libérale. Pour cet auteur, Sarkozy est surtout un colbertiste avec une vision "authoritarian and paternalistic" de la politique, qui croit que l'Etat doit protéger certaines entreprises privilégiées contre la libre concurrence, fût-elle européenne. Les positions de Sarkozy sur la pêche et Arcelor-Mittal ont bien montré, en effet, les limites de sa foi en la liberté du marché.

Pour ma part, je reste scéptique quant à l'existence d'une véritable pensée politique sarkozyste, encore moins une pensée économique. Ce qui compte chez lui, ce sont les valeurs (genre "travailler dur"), un système de caste (les gens bien contre les autres), un certain opportunisme politique permanent et versatile, et une soif narcissique de pouvoir. C'est ce dernier élément qui l'empêchera pour toujours d'être un "vrai" libéral. Pour cela il faudrait consentir non seulement d'entreprendre des choses très peu populaires auxquelles les français sont résolument opposés, mais surtout, il faudrait qu'il lâche des bouts de pouvoir. Le "volontarisme politique" est par définition anti-libéral car il est narcissique, centralisant, paternaliste.

La grande transformation de la société, toutes ces "réformes" rêvées et promises qui devaient balayer toutes les choses que tous les électeurs n'aimaient pas dans leur propre pays, grand chantier sarkozyste qui fut si bien vendu aux téléspectateurs pendant la campage, cette grande transformation était peut-être impossible. Car pour "vaincre les conservatismes", il aurait fallu pouvoir briser les systèmes de castes, la domination des très grandes entreprises qui, protégés en effet par l'Etat empêchent l'innovation et la rénovation de l'économie française, autrement dit briser tout ce système de connivence entre le pouvoir et l'argent, ce système dont Sarkozy est l'emblème, la mascotte en peluche.

Et c'est là où j'en viens enfin à Edgar Morin. Le bouquin que je lisais était donc écrit en pleine guerre froide et cherche à montrer, entre autres, comment - si j'ai bien compris - la rigidité du pouvoir et de l'organisation sociale et économique est néfaste pour le développement d'une société. Ses exemples sont l'URSS et les Etats-Unis des années soixante, soixante-dix et quatre-vingts, mais on peut assez bien les transposer vers la France d'aujourd'hui.

La marche de l'histoire, pour Edgar Morin, ne se commande pas et ne peut pas se deviner à partir du passé et du présent, car notre vision même du présent est imparfaite. Du coup, l'image que nous faisons du passé l'est tout autant : nous choisissons le passé qui nous convient au moment. Les "germes" du futur qui sont déjà présents aujourd'hui sont encore invisibles, trop marginales pour qu'on puisse deviner que ce sont elles qui vont tout fixer. Chaque innovation est d'abord marginal, puis déviant, puis tendance, puis nouvelle norme. On voit comment les politiques gestionnaires pour la recherche et la culture, prônées par Sarkozy pour leur "efficacité" sont justement inefficaces : elles sont faites pour répondre à une évaluation immédiate, dans les termes d'aujourd'hui, ou à satisfaire les envies des nos "consommateurs culturels" sans avoir l'audace de vouloir de influencer ou même détraquer ces envies. Tout, dans un monde sarkozysé, doit pouvoir se diriger à partir du pouvoir centre. Devinez qui occupe ce pouvoir central.

Le progrès viendra du marginal, de l'inattendu. Ce n'est pas Lagardère, Bolloré, EADS qui vont inventer le monde de demain, mais plutôt des inconnus avec des idées bizarres. Des petits, des faibles qui vont devoir se battre contre les champions économiques protégés par l'Etat paternaliste. Dans ce que j'ai compris de ma lecture un peu rapide de la notion de "complexité" chez Edgar Morin : on ne peut pas contrôler, maîtriser l'Histoire, on peut juste espérer l'influencer.

Sarkozy s'est vendu comme incarnant le changement, le bouleversement de toutes les vieilleries dont il faut "libérer" le pays. Et pourtant il représente en réalité une nouvelle variante sur le vieux conservatisme qui est encore mieux incarné par François Fillon. La décentralisation semble bloquée, les seules mesures du rapport Attali qui auraient pu aller dans ce sens, comme la suppression des départements, ont été les premières à être écartées. Et pourtant, le rapport Attali est marquée de la même contradiction entre la volonté d'en finir avec le dirigisme à la française et la volonté de décider, de façon dirigiste, la fin du dirigisme...

Le changement viendra quand la décentralisation avancera, quand l'Etat cédera un peu de son pouvoir. La démocratie participative de Ségolène Royal n'était pas assez fignolée pour être efficace dans une campagne électorale. Pourtant, ce n'est que ce genre de changement qui pourrait effectivement ouvrir véritablement les choses.

1 mars 2008

Blogueur du mois

Comme certains des amis blogosphériques l'ont déjà amplement signalé, le nouveau classement Wikio des blogs politiques est sorti depuis bientôt 24 heures, et ce mois-ci a été un bon mois pour les Vigilants en général et pour les Left_blogs en particulier.

C'est ce nouveau classement qui me donne l'occasion d'annoncer le « Pire Racaille » Blogueur du mois. Ce titre ne sera pas décerné tous les mois. D'ailleurs, il est possible que ce soit l'unique mois dans l'histoire de ce blog qui verra l'attribution de ce titre. Comme quoi c'est préstigieux!

Bref, sans autre formalité, je le dis : le « Pire Racaille » Blogueur du mois pour mars 2008, c'est... Nicolas J., le taulier d'un nombre incalculable de blogs faisant partie de l'univers Partageons mon avis (PMA), l'inépuisable auteur d'un nombre encore moins facilement calculable de billets drôles, perspicaces et stimulants par jour. Nicolas a réussi un exploit, il s'est installé dans les 10 premiers blogs politiques français (talonné par Dagrouik qui est 10e). Nous ne pouvons qu'imaginer ce que vont devenir ses super-pouvoirs de blogueur zinfluent dorénavant.