31 juillet 2007

D'Ingmar Bergman à Sarkozy le beauf

Via Juan, ce billet amusant de Julien Tolédano qui révèle que le service de com' de l'Elysée s'est largement inspiré de l'entrée Wikipédia consacré au défunt cinéaste.

Pourtant, de telles gaffes ne sont pas si fréquentes à l'Elysée, dont la mission première est justement de nous présenter une communication toujours soignée et lisse. Evidemment, la mort d'un cinéaste suédois n'est pas le genre d'événement à susciter des passions dans l'entourage du Très Grand Homme (TGH). Il nous est permis de supposer que la rédaction du communiqué fut déléguée aux plus bas rangs du service concerné, si ce n'était pas tout simplement un stagiaire qui s'en est chargé.

Si cette histoire dépasse le stade du simple anécdote, c'est qu'elle illustre, à mon avis, l'une des faiblesses du Petit Nicolas, à savoir son manque de culture, ce qui n'était pas très grave quand il n'était que ministre ou même candidat, mais qui peut s'avérer plus déterminant s'agissant d'un chef d'Etat obsédé par la grandeur de la France puisqu'elle est désormais liée à sa grandeur personnelle. On sait qu'il n'a pas osé supprimer le Ministère de la Culture. On a parlé un peu de son déjeuner avec des intellectuels (de droite):

Jeudi 5 juillet, ils étaient cinq à déjeuner à l'Elysée, l'académicienne Hélène Carrère d'Encausse, le philosophe André Glucksmann, l'historien Max Gallo, le cinéaste Claude Lanzmann, et l'essayiste et professeur de littérature à Paris-VII, Eric Marty. Une première organisée par Georges-Marc Benamou. [...] M. Sarkozy sait ce qui lui manque. Ses prédécesseurs disposaient vis-à-vis de cette élite d'atouts qu'il n'a pas : Pompidou avait écrit une anthologie de la poésie française et avait une épouse versée dans l'avant-garde, Giscard pouvait évoquer Maupassant à la télévision, Mitterrand parlait de la mort avec Jean Guitton. Même Chirac, qui cachait ses goûts pour les arts premiers derrière une réputation de butor, a su séduire les historiens d'art et les ethnologues. Sarkozy ? Quelques allusions à Céline et Albert Cohen, une visite à l'exposition du sculpteur Anselm Kiefer mais aussi une passion pour la variété, la télévision populaire... Sa rencontre avec Michel Onfray pendant la campagne pour la revue Philosophie Magazine s'était soldée par une polémique après des propos sur le caractère génétique de la pédophilie.

(Je cite longuement Le Monde puisque ces articles finiront par être payants...)

Sarkozy sait que la culture est une faiblesse, même si ce n'est pas (encore) un gros problème. Il veut quand même être à la hauteur...

Ce qui me fait penser que la culture pourrait devenir l'une des armes dans la lutte anti-Sarko. Il est souvent dit que Sarkozy flatte les beaufs, mais il est beaucoup plus rare, même chez ceux qui le contestent, d'entendre dire qu'il est lui-même « un beauf ». A vrai dire, cela m'est égal d'avoir un président beauf, car je trouve que ce genre de distinction est mesquine. Elle est souvent utilisée contre les dominés, et rarement contre les puissants. Et c'est sûrement pour cette raison que l'on hésite à l'employer dans la guerre des mots. Pourtant, si les rôles étaient inversés, Sarkozy et l'UMP n'hésiteraient pas une seconde à se servir de ce genre d'argument contre leurs énnemis. La guerre médiatique, celle des images, des people, va désormais être très dure. Il faudra prendre des précautions pour ne pas que tel argument ne se retourne contre celui qui l'emploie, ce qui est un risque réel. Il faudra être subtil. Cela dit, je rêve d'un jour où la recherche sur Google de « beauf » renvoie directement au site de l'Elysée, comme celle de « failure » indiquait directement « George W. Bush ».

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'y connais rien, mais pour le référencement de beauf vers l'Elysée, ça doit être faisable !
:-)

Le pire c'est que c'est par cette absence de culture qu'il pense être un français moyen. En clair, voilà un Président qui n'a aucune visée d'extension de la culture dans le peuple !
Effrayant !
:-)

o16o a dit…

Pour que, dans l'Esprit de Google, les deux mots soient associés, je pense qu'ils faudrait qu'ils soient ensemble sur un certain nombre de pages. C'est peut-être possible, effectivement, parce qu'en fouillant on voit que "beauf" n'est pas très couru comme terme...!

Et par rapport à la question bien plus sérieuse de la visée culturelle du Lider, oui, c'est désolant. C'est évident qu'il va préférer une population à la culture purement télévisuelle. C'est inquiétant pour la réforme des universités aussi, pour toutes les disciplines qui ne sont pas rentables: philo, littérature, sociologie, anthropologie, arts plastiques, etc.

Anonyme a dit…

Pendant la campagne, Sarko avait laché cette énormité sur : pourquoi l'Etat devrait financé des etudes qui ne menent à rien en parlant d'etude de lettres.
C'était un peu passé inaperçu, c'est dommage !

[Je n'ai pas le lien mais ca doit se retrouver ! C'etait dans une rencontre avec des etudiants].

Anonyme a dit…

l'idée d'utiliser la culture comme arme est intérressante ...mais celon toi comment s'y prendre ?

o16o a dit…

C'est vrai que l'infériorité culturelle de Sarkozy n'est pas facile à exploiter, surtout du fait qu'il joue souvent là-dessus contre les "élites culturelles". J'imagine qu'il faudrait qu'il y ait comme un bruit de fond, un doute général sur ses capacités. Ensuite, au moment d'une gaffe ou d'un incident quelconque, ce bruit de fond pourrait se cristalliser.

Et le Web me paraît l'endroit idéal pour faire cela. C'est sûr qu'il ne faudrait pas que François Hollande commence à traiter Sarkozy de "beauf"! Sarkozy ne demande que ça! Mais un bruit anonyme pourrait sans doute être efficace.