30 septembre 2007

Immigration : une inquiétude

Toujours pas le temps de bloguer pour de vrai. Et pourtant, il se passe des choses...

La décision de la Commission des lois du Sénat de supprimer l'amendement Mariani pour les tests génétiques étaient très clairement une bonne chose, car, au minimum elle oblige l'Assemblée UMP à refaire tous les mêmes arguments et donc, on peut espérer en tout cas, repayer un certain prix politique.

Pourtant, pendant que je ne bloguais pas, j'en arrivais à penser que cette histoire de tests ADN n'était qu'un leurre, ou un paratonnerre, qui a fait que, finalement, la bataille sur la législation Hortefeux (l'ignoble, abominable Hortefeux) a concerné essentiellement cet amendement. Le coeur même de la loi n'a pas attiré l'attention qu'elle mérite.

Les tests génétiques ont une valeur symbolique qui permet de mobiliser les gens et cette proposition mérite largément toutes les critiques qu'elle a reçues, et d'autre encore. Toutefois, l'obligation de parler français risque d'être un problème beaucoup plus grave et plus difficile à gérer pour des immigrants futurs. Avec plus de temps je developperais d'autres arguments, mais l'essentiel semble être ceci : avec des tests de langue et de « citoyenneté », il devient évident que la France recherche des immigrés qui ne sont pas différents de nous.

25 septembre 2007

Prières sarkozystes

Je m'aperçois qu'un clown et directeur de théâtre lillois, Gilles Defacque, a presenté une Prière sarkozyste à la fête de l'Huma.

On peut donc la comparer à la mienne, plus ancienne et sûrement moins drôle.

23 septembre 2007

En effet, ça va vite

Depuis quelques temps, tout le monde a compris que le JDD était tombé sur la tête, se laissant aller à des critiques de Sarkozy inimaginables du temps où le journal faisait tout pour cacher le non-vote de Cécilia Martin Sarkozy.

Maintenant (via Sarkofrance), le JDD publie les derniers sondages qui montrent un net recul de la popularité de notre Très Grand Homme (TGH), Nicolas Sarkozy. Que le JDD publie ces chiffres, c'est normal. Il le faut bien. Mais quelle devait être les réactions de Sarkozy, de Guéant, de Guaino quand ils ont lu l'analyse que Jean-Luc Parodi, "directeur de recherche au Cevipof, consultant Ifop", en propose.

L'analyse des réponses des nouveaux mécontents à la question ouverte sur les raisons de leur insatisfaction fait apparaître un cumul d'inquiétudes dont la plus dangereuse touche à l'image même du Président, devenu au sens propre "insaisissable". On évoque ainsi sa "gesticulation continuelle", son "trop de show-biz": "Il est partout et nulle part à la fois" ; dès lors, il devient "un peu agaçant" ; on se plaint de ne pas voir les ministres ; on les plaint d'être tenus en laisse -"il essaie de prendre les pleins pouvoirs au regard de la Constitution"-, et le mot "dictateur" fait spontanément son apparition: "On arrive à un système un peu totalitaire".

J'essaie de ne pas me laisser aller à une sorte d'optimisme timide, mais quand même : dictateur, un peu totalitaire ?

22 septembre 2007

Aller vite

J'ai commencé à regarder l'entretien du Très Grand Homme (TGH) avec PPDA et Arlette. (Juan nous donne les liens.) Ca risque de me prendre plusieurs jours...

Depuis à peu près le 6 mai, on entend au moins quotidiennement que Sarkozy veut aller vite, réformer vite, etc. C'est une obsession, visiblement.

Nous sommes censés voir dans cette course à la réforme la réaction à une situation urgente. L'homme de la rupture prend enfin le pouvoir; il n'y a pas une seconde à perdre, sinon la France sera définitivement perdue, mangée par les Chinois.

Lorsqu'on est mauvais esprit et, pire encore, atteint de anti-sarkozysme primaire, on voit dans cette obsession plutôt une manière de bousculer ceux qui pourraient résister, mais qui ont besoin de temps pour se mobiliser.

Je continue à retenir cette dernière interprétation, bien entendu. Mais voir cet entretien, du moins le début, me fait penser que, de toute façon, Sarkozy ne serait pas capable de faire autrement, et que cette façon d'être constamment en phase d'accéleration fait partie sinon de sa personnalité, du moins du seul comportement politique qu'il connaisse.

Voici un exemple. Au cours de l'entretien, on en vient à la question des "marges arrières" dans la grande distribution:

PATRICK POIVRE D'ARVOR - Les fameuses marges arrières.

LE PRESIDENT - ... Qu'ils obtiennent des fournisseurs. Personne n'y comprend rien, c'est extrêmement compliqué. Les grandes surfaces discutent...

ARLETTE CHABOT - Les prix vont baisser, en clair !

LE PRESIDENT - Voilà. Les grandes surfaces discutent avec les fournisseurs, obtiennent des ristournes. Ces ristournes, on ne les retrouve pas chez le consommateur, qui voit bien que, depuis l'euro, les prix ont augmenté. Je souhaite que les prix baissent. Donc, on va libérer les possibilités de négociation entre fournisseurs et distributeurs de grandes surfaces. Je dis tout de suite d'ailleurs que pour les prix agricoles, je ferai une exception. Parce que je considère que les prix en matière agricole et alimentaire ne se fabriquent pas de la même façon que pour les grandes marques, que je ne citerai pas parce que je n'ai pas le droit de faire de la publicité.

Sarkozy coupe la parole à PPDA pour dire que de toute façon "personne n'y comprend rien" : on n'ira pas chercher la petite bête, on va aller droit au but. Pas question d'expliquer que ces ristournes ne sont pas simplement le fruit de négociations, mais sont payés par les fournisseurs pour que leur produit apparaissent à un endroit stratégique dans le magasin. Pas question, non plus, d'expliquer que faire ce que le TGH propose, c'est concrétiser un avantage définitif pour les grandes surfaces vis-à-vis de leurs concurrents plus modestes, souvent des PME qui votent UMP/RPR d'ailleurs. Mais évoquer tout cela, c'est ne pas aller vite, et pire, c'est compliqué. Donc on réduit tout à "faire baisser les prix".

PATRICK POIVRE D'ARVOR - Dans le même temps, vous avez quand même prévu la franchise médicale, ce qui est un problème aussi pour le pouvoir d'achat des gens. Cela veut dire aussi que ça va les pousser à avoir des assurances privées et peut-être à aller vers une médecine à deux vitesses.

LE PRESIDENT - C'est une affaire compliquée, il faut essayer d'en parler simplement. Nous avons un gigantesque défi devant nous, celui de la maladie d'Alzheimer. Près de 900 000 Français qui ont cette maladie, qui est un drame, un drame absolu. Nous avons le cancer qui est la première cause de mortalité, qui brise et qui cause des tragédies dans toutes les familles. Nous avons moitié moins de lits de soins palliatifs pour les malheureux malades condamnés pour les accompagner dignement vers la mort. Il faut de l'argent supplémentaire. Où est-ce que je vais le trouver ? De tous les côtés, on me dit : Plus pour la recherche Alzheimer, plus pour la recherche sur le cancer, plus pour les soins palliatifs. Où est-ce qu'on les trouve ?

ARLETTE CHABOT - Et la dépendance.

LE PRESIDENT - La dépendance, pareil, on vit plus longtemps, où est-ce qu'on les trouve ? A ceux qui me disent que la franchise, ce n'est pas gentil, peut-être. Mais où est-ce qu'on trouve l'argent ? Je ne le fabrique pas. Je veux dire la vérité aux Français. Si on veut dépenser...

Là encore, bien sûr, "c'est une affaire compliquée". Malgré nous, nous l'imaginons en train de dire "mais les français m'ont pas élu pour résoudre que les questions simples". "C'est une affaire compliquée, il faut essayer d'en parler simplement". Encore une fois, puisque les français sont des cons, on va tout réduire à un argument d'une simplicité proprement imparable, à savoir: "Alzheimer, c'est terrible, ça coûte cher. "Il faut de l'argent supplémentaire. Où est-ce que je vais le trouver ?" Il n'y a pas le choix, il n'y a qu'un choix, c'est le choix que je fais. T'es contre la franchise? Alors t'es contre les vieux.

Quand on lit ce texte, que l'Elysée met gentiment en ligne, on n'apprécie pas tout à fait le rythme du TGH. Il va très vite. Et les sauts logiques, de la franchise médicale à la maladie d'Alzheimer, ou des marges arrières à la baisse des prix, arrivent si vite que l'interlocuteur n'a pas le temps de formuler la réfutation. On a à peine le temps d'ouvrir la bouche que l'association "franchise médicale"-"aider les vieux" est faite, et que toute autre réponse à la question "où est-ce que je vais le trouver, l'argent?" est condamnée à n'être qu'au mieux une pinaillerie mesquine, sinon une insulte aux personnes âgées.

Aller vite, donc, pour faire taire les critiques. C'est essentiel au système Sarkozy.

21 septembre 2007

Offre valable

Le chef de l'Etat a par ailleurs demandé aux partenaires sociaux de définir "avant la fin de l'année des procédures et des sanctions, à la fois plus efficaces, plus fermes et plus justes" pour les chômeurs qui refusent "deux offres valables d'emploi ou une formation".

Il s'est dit "prêt à discuter de ce qui constitue 'une offre valable d'emploi' et de ce que doit être la sanction", et souhaité que le nouvel organisme issu de la fusion ANPE-Unedic soit chargé de prononcer ces sanctions "pour des raisons d'efficacité". (Source)

L'autre jour, j'entendais Christine Lagarde interviewée sur France-Info. Je n'en trouve pas trace maintenant, alors je dois faire confiance à ma mémoire.

L'intervieweur demande si une définition de ce qui constitue une "offre valable d'emploi" a été fixée. Non, car il faut négocier, répond Mme. Lagarde. Et puis: sait-on combien de chômeurs refusent des offres d'emploi? Non, car la définition n'existe pas encore. En somme, ils n'en savent rien. Ils ne savent même pas s'il y a un problème à résoudre. Ils ne se fondent que sur cette impression que le problème est forcément du côté du chômeur paresseux.

En termes de communication, la "solution" présente l'énorme avantage de convaincre le bon peuple qu'il devait bien y avoir un problème.

Et le tour est joué.

19 septembre 2007

La stratégie Valls

Ca va faire maintenant trois ou quatre semaines que je me dis qu'il faut faire un billet sur Manuel Valls. Pour des raisons conjoncturelles, je me suis, pendant ce temps, davantage occupé à approfondir mon anti-sarkozysme primaire plutôt que de commenter ce qui se passe à gauche. Mais pour parler de la gauche, il faut d'abord que je me débarrasse de Valls. Même si CSP se charge de le dégommer régulièrement, il y a des éléments qui me perturbent encore.

Commençons par un peu de lecture.

Le 21 août, un entretien dans les augustes pages du Figaro, où M. Valls s'acharne à renforcer tous les thèmes du sarkozysme:

Nous avons un président hyperactif. Cela ne me choque pas. Les Français lui ont donné la légitimité pour agir. Si l'hyperactivité ne peut pas être sa seule marque de fabrique, je me garderai bien d'un jugement hâtif. [...]

Légitimité? S'ils étaient malins, les socialistes s'abstiendraient de prononcer ce mot dans la même phrase que le mot "Sarkozy", ou même, que dis-je, dans le même paragraphe, ou le même jour... L'immense "légitimité démocratique" de notre immense président est ce qui justifie toutes les dérives, le cas le plus visible étant celui de Rachida Dati dans sa conception de son rôle vis-à-vis des procureurs. (L'autre prétexte à dérives est bien sûr : "c'était une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy".) Mais reprenons Valls en vol.

Nous sommes au bout d'un cycle: une grande partie des idées de gauche se sont épuisées. Pour que le PS retrouve une crédibilité, il doit être porteur d'un projet vraiment différent. Cela demande du temps et beaucoup de travail. Si nous ne changeons pas en profondeur notre logiciel, nous resterons durablement dans l'opposition. Face à la droite, nous devons nous opposer en trouvant le ton juste, contrôler l'action du gouvernement, mais aussi proposer. Nous pouvons faire un bout de chemin avec la majorité, à condition qu'elle nous entende, sur des sujets qui peuvent faire consensus. Je pense aux moyens qu'il faut donner à la justice, à la lutte contre la criminalité ou encore au dossier de l'immigration. (C'est moi qui souligne, o16o.) [...]

Ce que je souligne ici, c'est l'énorme erreur stratégique qui consisterait à appuyer la droite sarkozyste justement sur le point où il faudrait au contraire commencer à faire payer au Très Grand Homme (TGH) ses flirts avec l'extrême droite pendant la campagne. S'il y a bien une domaine où Sarkozy n'est pas légitime (politiquement, moralement), c'est bien celui-là. Si la gauche doit "faire un bout de chemin avec la majorité" sur cette route-là, précisément, on doit se demander s'il y aura encore des endroits où il faudrait laisser l'UMP s'embourber tout seul.

Nous sommes dans une économie de marché, il faut l'admettre définitivement. Nous devons dire également que le travail est une valeur, que nous ne sommes pas favorables à une société de l'assistanat. [...]

Le deuxième sujet essentiel, c'est celui de l'autorité, qui est en crise. Une société a besoin de règles et d'ordre. L'autorité, républicaine, est une valeur de gauche, car son bon exercice permet de créer et de préserver le lien social, le « vivre ensemble ». [...]

Et c'est là où crie "Arrête!" (Ou: "arrêtez", je m'imagine plutôt en train de vouvoyer Manu Valls.) C'est presque le texte même du discours de Sarkozy le 6 mai :

Le peuple français s'est exprimé. Il a choisi de rompre avec les idées, les habitudes et les comportements du passé. Je veux réhabiliter le travail, l'autorité, la morale, le respect, le mérite. Je veux remettre à l'honneur la nation et l'identité nationale. Je veux rendre aux Français la fierté d'être Français. Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres.

Bien entendu, cette approche ne se limite pas à ce seul entretien au Fig. Le voici le 10 septembre:

Le député-maire PS d'Evry Manuel Valls a déclaré lundi qu'"il faudra aligner les régimes spéciaux sur le régime général", reconnaissant l'utilité d'une réforme évoquée dimanche par le Premier ministre François Fillon.

"Il faut dire la vérité aux Français, il faut être clair, (...) il faudra aligner les régimes spéciaux sur le régime général", a-t-il déclaré sur RTL, reprenant des propos tenus également dans "Les Echos".

"C'est une question d'abord d'équité, et puis aussi une question financière parce que nous savons que demain il y aura pour ces régimes (spéciaux, NDLR) beaucoup plus de retraités que d'actifs", a-t-il expliqué.

La gauche n'a qu'à suivre le bon exemple de la droite. Toute contestation est inutile et, surtout, infondée.

Ce qui est ahurissant, ce n'est pas tant que Valls cherche à se placer plutôt à droite de la gauche, même si je trouve cette stratégie criticable et vouée à l'échec, c'est qu'il semble ne pouvoir parler qu'en validant tous les thèmes de Sarkozy.

Pourquoi faire ainsi? CSP y voyait, au début, des signaux genre Michel Rocard, pour laisser savoir à l'Elysée que Valls serait favorable à une place dans l'ouverture. Mais il semble clair que Valls se voit bien dans le PS, et que toutes ces remarques ont été faites pour avancer à l'intérieur du parti, et même pour participer à sa mythique réfondation.

C'est ainsi qu'on en vient à comprendre la stratégie de Valls. Valls veut être le Sarkozy de la gauche. C'est une manière d'avoir raison contre ses camarades car il se sait que les fondements de son discours son appuyés par les médias et sont en train d'être intégrés dans le "sens commun" d'une grande partie de l'électorat, y compris, malheureusement, celui de gauche. Autrement dit, Valls veut prendre pour lui un peu de la "rupture" sarkozyenne. Être sarkozyste, même quand on est au PS, c'est, semble-t-il, être moderne, lucide, pragmatique, et dans l'air du temps.

Et pourtant, même quand elle n'est engagée que par un seul malin, c'est une démarche catastrophique. Car Valls, même individuellement, est en train de saper les arguments d'opposition du PS. Le débat qui devrait se tenir entre le PS et l'UMP pourrait devenir un nouveau prétexte pour la bagarre interne au PS.

Donc : non, on ne peut pas être d'accord avec l'"analyse" sarkozyenne de la société française et de tous ses problèmes et baser son opposition sur des considérations de méthode. Autant alors disparaître en tant que force politique. Je ne sais pas quel est l'avenir du PS, mais je sais que ce n'est pas avec Sarkozy.

Kouchner: grave

Pas le temps de bloguer sérieusement. Même pas de billet sur Jospin. Mais je ne peux pas laisser passer cet autre drame en train de se dérouler, celui d'un Bernard Kouchner en train d'appliquer la ligne Wolfeboro.

Quand Kouchner dit que l'on doit se préparer à une guerre contre l'Iran, on peut se demander s'il se rend compte de ce qu'il dit. Une fois ce mot prononcé, il est très difficile de le ravaler. Même si Fillon essaye de le ramener dans l'usine à oubli qu'est devenu Matignon. "Guerre" est sur la table.

Et je reste perplexe. Que pensent-ils gagner ainsi? N'ont-ils pas vu l'échec de cette stratégie de menaces puis de guerre en Irak? N'ont-ils pas vu la dégringolade de Tony Blair, très populaire jusqu'à ce qu'il s'associe avec Bush?

C'est très maladroit et c'est très grave. Mais je n'ai pas le temps de faire autre chose ce soir que grogner.

16 septembre 2007

Kouchner et l'épreuve génétique

Kouchner se rebiffe?

Interrogé sur les tests génétiques comme préalable à une demande de regroupement familial, l'ancien ministre socialiste a déclaré: "cela ne me plaît pas, mais ne m'indigne pas".

"Le jour où je m'indignerai vraiment, je partirai", a-t-il ajouté, précisant que la procédure existe déjà dans de nombreux pays européens. "Je pense que ce n'est pas comme cela qu'on règlera le problème de l'immigration".

Sur le fond, c'est assez mou: Ca ne me plaît pas, mais au fond ça m'est égal. Cette petite pique est néanmoins intéressante : je pourrais partir quand même.

Kouchner sent-il que Sarkozy est moins fort qu'il y a quelques semaines? Sachant que le Très Grand Homme (TGH) ne peut pas se permettre d'autres querelles avec son gouvernement, Kouchner ose s'affirmer, en laissant entendre que sa présence au gouvernement est conditionnelle?

15 septembre 2007

Quel Hortefeux?

Jusqu'à présent, je me contentais d'écrire la plupart du temps l'ignoble Brice Hortefeux quand je me référais à notre ministre de la Haine de l'autre, des Expulsions, et du Codéveloppement.

Mais voilà qu'Olivier Bonnet écrit "l'abominable Brice Hortefeux". Et je dois avouer qu'abominable, c'est pas mal non plus. Mais que faire maintenant? Cette question risque de diviser la blogosphère.

Pour l'instant, ignoble est largement en tête.

Mais demain?

14 septembre 2007

De la culture du résultat, du rendement et des chiffres

Nous sommes, semble-t-il, désormais dans la culture du résultat. C'est le Très Grand Homme (TGH), Nicolas Sarkozy, qui a fait advenir cette chose en France. Auparavant, ce n'était pas la culture du résultat.

La référence est très clairement au monde des affaires. Cette idée de "résultat" correspond à peu près à l'exigeance de résultat pour la direction d'une grosse boîte qui doit répondre aux actionnaires. Le rendement serait à peu près l'équivalent des dividendes que ces mêmes actionnaires entendent empocher. Je devine que "faire du chiffre" doit être issu du vocabulaire des commerciaux censés réussir beaucoup de ventes.

L'idée de gérer l'Etat comme une entreprise est aussi vieille que les droites modernes, en France et ailleurs, et le fait que Sarkozy et les siens empruntent ce vocabulaire n'est pas si surprenant. Cela va de paire avec un style "chef de boîte" que le TGH affectionne.

Bien sûr, on est un peu plus choqués quand une expression comme "faire du chiffre" est associée à la justice, notamment les expulsions de sans-papiers. Pourtant, ce n'est pas l'invention de l'ignoble Brice Hortefeux, mais plutôt celle du Très Grand Homme lui-même quand il n'était que Ministre de l'Intérieur, qui alors exigeait du chiffre de ses policiers. Voir à ce sujet Ruptures, le livre de Serge Pontelli.

Le problème avec cette "culture du résultat" ou cette course aux chiffres, dès lors qu'il s'agit de la justice, et non la production de Nike ou d'armes pour la Libye, c'est qu'elle donne à la justice une orientation guerrière, qui la réduit à une lutte contre un camp, contre les délinquants, contre les clandestins, comme si ces "camps" pouvaient de toute façon fournir une quantité infinie de "soldats" ennemis. Cet esprit clanique est omniprésent chez Sarkozy, dans tous les domaines de la réflexion sociale. Le but de la justice n'est plus la justice, mais de marquer des points dans le "conflit des civilisations" supposé exister à l'intérieur même de la France.

Comme le dit très bien Serge Portelli,

la mission de l'Etat n'est pas de "produire" des gardes à vue, des expulsions ou toute autre mesure de contrainte. L'Etat a au contraire, parce que nous sommes en démocratie, l'obligation de limiter l'emploi de la force à ce qui est strictement nécessaire. La Déclaration des Droits de l'Homme n'est pas soluble dans la statistique.

En poussant jusqu'à l'absurde, on peut imaginer une société parfaitement juste, sans crime, sans délinquants, sans clandestins, où la justice aurait réussit son oeuvre. Pourrait-elle alors continuer sur le chemin du chiffre, même s'il fallait trouver des coupables chez les innocents? Serait-ce encore juste?

Voilà l'un des aspects les plus sombres de cette histoire : faire du chiffre suppose l'existence des crimes et des coupables avant même qu'ils existent. Et même si, faute de criminels réels, on doit multiplier des gardes à vue bidons simplement pour plaire au patron.

Il semblerait, de plus, que cette prétendue "culture" du résultat ait pour finalité non pas davantage de justice, par exemple, mais de rendre palpable -- et je veux dire : médiatiquement palpable -- l'action d'un homme politique. Le bonheur ou la justice présents dans une société sont difficiles à mesurer. En comptant les gardes à vue, Sarkozy rend visible sa propre activité, quel qu'en soit le résultat réel. Autrement dit, dans la culture du résultat, le résultat n'est pas ce que l'on prétend. Le vrai résultat est celui que l'on mesure en unités de bruit médiatique, et en votes.

13 septembre 2007

Rapprochement

UPDATE: Voilà ce qui se passe quand, trop fatigué, on blogue en n'écoutant que France Info: j'ai systématiquement écrit "rapprochement" à la place de "regroupement". Un lapsus à analyser sûrement, mais que je vais quand même corriger...

Réduit ces derniers jours à m'informer presque uniquement grâce à France Info, j'entends que l'UMP propose un test génétique pour étayer des dossiers de rapprochement regroupement familial. Bien sûr c'est grotesque, c'est traiter les immigrés comme étant d'emblée des criminels, leur proposant une technologie dont on entend parler surtout dans des cas de viol ou de vol de scooter.

Et j'en viens à la question : pourquoi s'attaquer autant au rapprochement regroupement familial? Je connais les arguments du Très Grand Homme (TGH) : préférer une immigration économique, etc. Introduire des tests génétiques, toutefois, c'est une manière d'augmenter le soupçon porté sur les candidats au rapprochement regroupement familial. Car on connaît bien le mythe (raciste) des Africains polygames qui font venir toute la population de leur village grâce à ce droit de rapprochement regroupement, toujours considéré comme une faille dans les défenses frontalières du pays. Il ne manque plus que de dire que c'est la faute à Bruxelles, puisque la Cour Européenne des Droits de l'Homme risque de s'en mêler à tout moment. Puisqu'on ne peut pas supprimer le rapprochement regroupement familial, on le rend plus difficile afin de décourager le plus de monde possible. Même si ces tests génétiques sont "facultatifs" (pour l'instant), leur existence même signifie que l'on sera désormais beaucoup plus exigeant dans les vérifications.

Déjà que cette pratique est mesquine, je trouve qu'elle dissimule quelque chose d'autre. Quand on considère que le rapprochement familial n'est pas légitime, c'est que l'on estime que les nouveaux immigrés ne sont pas, eux-mêmes, légitimes, et qu'ils ne méritent pas ce droit qui leur est accordé.

10 septembre 2007

Fret (vite fait)

Pendant trois semaines, je risque de poster peu de billets, ayant beaucoup de travail et peu de temps. J'essayerai de poster quelques bribes quand même, histoire de ne pas perdre la main.

Voici une première bribe.

Damien B signalait dans ces Lectures cet article sur le féroutage en France et la situation du frét en général.

Jusqu'à présent je n'ai pas eu l'occasion de parler beaucoup des considérations écologiques (le cadet des soucis de notre Très Grand Homme (TGH)), mais ces histoires de fret me font quand même bondir.

J'ai toujours pensé que c'était une défaillance majeure de la gauche plurielle jospinienne, de n'avoir pas tenté de réhabiliter le fret en France, ce qui aurait pu arranger Voynet et Gayssot simultanément, et arranger la France en général (surtout).

9 septembre 2007

Être libéral avec ses amis

Depuis quelques temps, l'hypothèse d'un Nicolas Sarkozy néo-conservateur, sur le mode américain, commence à s'imposer, du moins chez les confrères atteint, comme votre serviteur, de l'anti-sarkozysme primaire. Malgré des ressemblances certaines, il est encore difficile de se prononcer sur la question, tant les contextes américain et français sont différents, et tant la "philosophie politique" de Sarkozy est confuse et opportuniste.

L'un des points de convergence est sûrement la vision du rôle de l'Etat dans l'économie. Là où l'on s'attendait à un Sarkozy libéral, soucieux de réduire les déficits publics, on trouve un Sarkozy interventioniste et dépensier. Cela a été amplement commenté déjà. C'est un point commun avec les neo-cons, qui aux Etats-Unis se font élire en promettant la responsabilité fiscale pour ensuite jeter l'argent par les fenêtres. Selon la philosophie neo-con (néo-conne), la droite doit se servir de son pouvoir pour bousculer la société et la terre entière pour les refaire à l'image de leurs délires autoritaires et religieux.

Cette "grande volonté de réforme" qu'affiche sans cesse le Très Grand Homme (TGH) hésite entre une version responsable, droite chiraco-balladurienne traditionnelle tendance pensée-unique (personne n'ose s'occuper des retraites, nous on le fera), et une version enivrée du pouvoir qui voudrait dégommer tout ce qui appartient non seulement au passé de la gauche, mais aussi la droite catholique - au sens de la démocratie chrétienne, la chretienneté dans ce cas censée agir comme frein (quoique) aux puissances de l'argent. Car, Christine Boutin, le Cardinal Lustiger et la Turquie nonobstant, la véritable rupture sarkozyenne est celle d'avec la tradition catholique. Mais c'est là le sujet d'un autre billet, écrit peut-être par quelqu'un d'autre, car je ne suis pas expert dans les fondements philosophiques de la droite catholique. C'est cette seconde branche du sarkozyzme qui ressemble à l'activisme de droite théorisé outre-atlantique par les neo-cons.

De ce point de vue, il n'y a pas de contradiction véritable entre les positions interventionnistes de Sarkozy, comme GDF-Suez, et un certain libéralisme. Tout est bon pour renforcer ce pôle pouvoir-argent. En effet, pourquoi réduire l'action de l'Etat, quand il pourrait se mettre encore plus directement au service du capital?

C'est en tout cas en ces termes que je comprends cette nouvelle proposition qui consisterait à dépénaliser bon nombre d'infractions commises dans ou par des entreprises, en espérant que des procès civiles suffisent à faire respecter la loi. Le Figaro (merci encore à Juan) la résume ainsi:

Sont plus précisément visées les peines prononcées par les tribunaux qui interviennent après les sanctions administratives décidées par des autorités indépendantes comme le Conseil de la concurrence en cas d'entente ou l'Autorité des marchés financiers en matière de délits d'initiés.

La philosophie de Nicolas Sarkozy ne consiste pas à dépénaliser toutes les infractions, mais à concentrer l'action pénale là où des intérêts publics sont en cause. Pour le reste, dès que des procédures civiles peuvent être mises en oeuvre, la puissance publique n'aurait aucune raison d'interférer dans le conflit opposant deux parties privées.

(Ils me font rire, au Figaro, avec leur "philosophie de Nicolas Sarkozy".) L'idée, sous sa forme la plus abstraite, semble vaguement équitable : laisser les entreprises défendre leurs intérêts, plutôt que de faire intervenir l'Etat. Mais regardez les deux exemples d'infractions proposés : entente entre concurrents et délit d'initiés (ce de quoi on accuse un certain Arnaud L., d'ailleurs). Dans les deux cas, ce n'est pas seulement une entreprise qui est la victime d'une autre, mais tout potentiellement de nombreux acteurs économiques. Si deux producteurs de chaussures à glands se mettent d'accord sur leurs prix pour casser les autres producteurs, c'est tout le secteur qui est lésé. Pour le délit d'initié, c'est encore pire, car de telles infractions risque de compromettre le fonctionnement même de la Bourse (dans un cas comme celui d'Arnaud L., par exemple) et donc nuisent à tout le système.

C'est donc une sorte de libéralisme que Sarkozy entend mettre en place, mais un libéralisme dont l'effet sera sûrement de rendre la vie plus facile aux puissants, qui désormais ne risqueront pas d'aller en prison mais seulement de perdre un peu d'argent. Ainsi on retrouve la véritable philosophie de Sarkozy, qui est de favoriser une caste, la caste bling-bling.

7 septembre 2007

Dati, l'apparatchik

Rachida Dati s'est encore fait remarquer mardi pour cette inoubliable explication des fondements du droit dans une grande et ancienne démocratie comme la France:

"La justice est indépendante dans son acte de juger (...) mais j'ai une autorité dans l'application de la loi et de la politique pénale. Je suis chef du parquet, ça veut dire quoi ? Je suis chef des procureurs, ils sont là pour appliquer la loi et une politique pénale", a déclaré le Garde des sceaux lundi sur l'antenne de Canal+.

"La légitimité suprême, c'est celle des Français qui ont élu (Nicolas Sarkozy NDLR) pour restaurer l'autorité. Les magistrats rendent la justice au nom de cette légitimité suprême", a-t-elle ajouté.

Anaclet de Paxatagore, qui s'y connaît beaucoup mieux que moi, a fait un billet intéressant sur la question (billet que j'ai trouvé grâce aux Lectures de Damien).

Venons en au second point : la légitimité des juges. C'est une question extrêmement délicate en démocratie. On peut soutenir différents points de vue : les juges tirent leur légitimité de la constitution ou de la loi, ou encore de leur mode de nomination (qui, il est vrai, fait intervenir, mais marginalement le président de la République). On peut également soutenir que le juge est légitime parce que ses décisions sont sages et respectueuses de la loi, et sur le fond, et sur la procédure. Mais en tout état de cause, il est difficile de soutenir que la légitimité des juges provient du président de la République.

Manifestement, Dati a manqué de subtilité.

Ce qui me surprend encore plus dans cette déclaration, même si on n'est plus vraiment surpris, à vrai dire, c'est la conception carrément monarchique de la justice qui s'y énonce. Les démocraties modernes sont à la fois des démocraties (il y a des élections) mais aussi des états de droit : personne n'est au dessus de la loi, y compris les élus; la loi, et surtout la constitution, détermine la conduite de la démocratie. Faire dépendre toute la "légitimité" du droit en France de la petite personne du Président est un non-sens, et, avec un peu de paranoïa, un non-sens dangereux. La légitimité du Président est-elle telle qu'il peut faire dévier la justice à sa guise? Personne ne soutient cette position, et pourtant c'est ce que Dati est en train de nous dire.

Ensuite, il y a un autre problème constitutionnel dans cette affaire. Dati parle comme si la chaîne de la "légitimité" (je n'en peux plus de ce mot mais l'UMP adore) et du pouvoir allait directement de Sarkozy, à elle, aux procureurs. Et, dans un sens, elle a raison, pour ce qui concerne ce nouveau régime de l'ultra-président. Mais normalement, le président préside et le gouvernement gouverne. Elle appartient d'abord au gouvernement de François Fillon. Ce dernier a bien été nommé par le président, mais sa "légimité" dépend tout autant du vote de confiance de l'Assemblée Nationale. Mais tout cela est oublié, désormais. Il y a une seule élection et un seul homme. Le reste (Premier Ministre, Assemblée Nationale, Constitution, etc.), ce ne sont que des vieilleries qui nuisent à la capacité du Très Grand Homme de mener différentes actions (autre mot fétiche).

Normalement, Rachida Dati, Garde des Sceaux, n'est pas n'importe qui. Elle devrait comprendre tout cela, elle devrait respirer le droit. Je me souviens encore de l'enthousiasme que sa nomination avait suscité, au début. Voici, par exemple, Claude Askolovitch, le 19 mai 2007:

Tournez ça comme vous voulez, et chantez même l'histoire de l'arbre qui cache la forêt, et cela ne prouve rien et la morale est de notre côté mes camarades, mais les faits sont têtus. Depuis le temps qu'on l'attendait, un ministre de la République de plein exercice et de plein respect issu de l'immigration maghrébine, c'est la droite qui l'a installée, et quelle droite: le Président Sarkozy, Sarko le terrible, le quasi-raciste, le kärcherisateur de racailles et qui acclimatait, fi donc, les thêmes du Front national à dde vulgaires fins électorales, et le gentil Noah que nous aimons tant quitterait le pays s'il était élu, Sarkozy donc, qui a nommé Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Madame Rachida Dati, fille de maçon, fille d'immigrés algériens et marocains, fille d'une famille de douze enfants.

Ce n'est peut-être qu'une impression, ceci étant entièrement subjectif, mais j'ai quand même le sentiment que les origines de Madame Dati sont oubliées. On ne voit plus en elle "l'Arabe", mais plutôt l'apparatchik de son maître, l'idéologue la plus zelée, la sarkozyste la plus fervente, prête à sacrifier une bonne partie de la tradition du droit pour avancer la cause du Très Grand Homme (TGH).

Guaino, défenseur du service public

Qui aurait pu deviner que nous avions, en la personne de Henri Guaino, un grand défenseur de la tradition française du service public? Quel courage, pour défendre la République contre les actionnaires:

Conseiller spécial du chef de l'Etat, Henri Guaino plaide alors pour un rapprochement EDF-GDF. Ex-fidèle de Philippe Séguin, rallié à Jacques Chirac en 1995, il se rêve à la tête de ce géant de l'énergie. A coup d'arguments politiques et industriels, il torpille le projet GDF-Suez, assurant qu'il ferait la part trop belle aux actionnaires de Suez et créerait un sérieux concurrent à EDF. Ainsi sacrifierait-on deux fleurons du service public français sur l'autel d'intérêts particuliers, s'indigne cet homme aux fortes convictions républicaines.

Ah, oui, au fait, c'est parce qu'il pensait en devenir le chef.

Bon.

6 septembre 2007

Un peu trop calme

Hier CSP vient de publier un billet sur l'état actuel de la blogosphère qui rejoint quelque chose qui me tracasse depuis quelques jours, notant

Un phénomène de lassitude collective, troublant parce que non concerté...

Sauf que.

Si mon hypothèse est exacte, celle d'un découragement par avance devant le rouleau-compresseur libéral-sécuritaire, on peut en effet se demander : "à quoi bon un blog ?"

Guy Birenbaum et MC de Cabinet de Subversion s'arrêtent, ce dernier ne s'en expliquant pas, mais on devine que de toute façon, d'une manière ou d'une autre, le jeu ne vaut plus la chandelle. J'avais réagi, à la suite de Dagrouik, à cette phrase de Guillermo, chez Radical Chic:

Vaste programme. En attendant d'en être là, ça serait pas mal que le PS se taise. Non ?

Aujourd'hui, un peu plus calme, je vois cette déclaration plutôt comme un symptôme d'un phénomène bien plus large, cette "lassitude collective" qu'identifie CSP. Devant l'omni-hyperprésidence de Sarkozy, devant la perspective de dix ans de la droite, dans cette Ve République qui laisse encore moins de place et de pouvoir à l'opposition qu'à l'époque pré-quinquennale, on peut, je suppose, se demander "à quoi bon lutter?" Ou penser qu'il faut se taire, d'une manière ou d'une autre. Sarkozy aurait-il réussi à contaminer les esprits au point où toute résistance semble futile ?

Le mois d'août aurait fut donc meurtrier dans les blogs de gauche. Moi-même, je suis revenu à mon clavier un peu désorienté après avoir décroché du net, pas tout à fait sûr comment rattraper ce train qui est pourtant déjà en marche (ça, on peut en être sûrs!). La situation est sûrement un peu différent pour quelqu'un comme CSP, qui après tout a sa Ligue et même la perspective d'un nouveau grand parti de gauche. Ici, un peu plus près du PS, c'est moins évident de fonder ses espoirs sur une personne ou des personnes précises. En attendant qu'au PS on en finisse avec la tournée de déclarations sur comment on doit aborder l'approche d'une méthodologie pour décider d'une stratégie qui pourrait aboutir à une réfondation, on se retrouve, lorsqu'on est un anti-Sarkozy viscéral, dans une sorte de vide idéologique, dans, plus précisément, le vertige de l'opposition pure, c'est-à-dire l'opposition quand les alternatives ont cessé d'être évidentes.

L'autre jour, l'influent jegpol, anciennement Nicolas J, parlait justement du départ de Birenbaum et d'autres événements blogosphériques, et en vient à se poser la question d'une fin des blogs:

Ca fait quelques temps que je note une évolution de la blogosphère politique avec le flottement de quelques blogs politiques que je suivais avec ferveur ! Je mettais ça sur le compte d'une certaine lassitude suite aux élections, le fait qu'on se prépare à cinq ans de sarkozysme et de querelles internes au PS tout en espérant une refondation de l'extrême gauche.

Pourquoi faire pendant cinq ans toujours les mêmes billets sur les mêmes sujets ? Les blogueurs se lassent. [...]

Un loisir branché qui ne l'est plus...

Dans la discussion qui a suivi, il était question de l'opposition systématique à Sarkozy. Est-on crédible, lorsqu'on s'oppose à tout? Est-ce bien raisonnable? Est-ce efficace?

La question est importante. Depuis quelques temps, je crois beaucoup en la nécessité d'une gauche efficace. Cela ne veut surtout pas dire une gauche qui se rapproche mollement du centre pour essayer de grapiller quelques voix, mais une gauche qui arrive à vendre un message fort, qui attire du monde. Donc est-ce efficace, que de vouloir s'opposer tout le temps à Sarkozy, ou, à l'autre extrême, ne faudrait-il pas adopter une stratégie comme Manuel Valls, et accepter de "faire un peu de route ensemble", ou encore essayer de paraître raisonnable ?

Chacun fait ce qu'il veut de toute façon. Surtout avec des blogs. Si le blog n'est plus un espace de liberté de parole et de pensée... Si j'en parle, c'est un peu pour expliquer et/ou trouver ce que je compte faire ici. Je passe à la première personne.

Tout d'abord, quand je blogue, je n'ai pas à me comporter comme un parti politique, qui, lui, dans sa critique du pouvoir, doit au moins esquisser une alternative. Pour un pauvre blogre comme moi, 1089e chez Wikio (!), je ne cherche pas à être une alternative à Sarkozy. Dans un sens, je ne cherche même pas à être crédible, ou même avoir une quelconque autorité. Ce n'est pas moi, un anonyme, qui compte, mais éventuellement ce que j'écris. Je n'ai pas à être crédible parce que je ne demande pas qu'on me croie; je n'apporte aucune information qui ne puisse pas être soutenu par un lien. Il n'y a que les mots sur l'écran qui compte, pas le type derrière qui pourrait être "crédible" ou pas.

Ensuite, au delà de ces considérations très générales sur les blogs et l'écriture, il y a une particularité sarkozyste qu'il ne faut pas négliger. On se rend compte, petit à petit, que pour Sarkozy, tout est communication et la communication est tout. Une enième loi sur la récidive, ou sur les pédophiles, ou sur les immigrés clandestins, ça sert à quoi sinon à envoyer des messages? La liberation des infirmières a certes permis de réussir un joli coup pour l'industrie militaire, mais plus encore c'était l'occasion de briller, et pour Cécilia de briller, et de briller encore plus parce que Cécilia brillait. Embaucher des gens du PS ne sert pas à grand'chose concrètement, mais symboliquement, médiatiquement c'est une énorme réussite. Autrement dit, du fait que c'est la com' qui domine à ce point, il est difficile de ne s'opposer qu'à une partie. C'est un tout, du paquet fiscal au discours devant les étudiants sénégalais, de la Libye à Wolfeboro. S'opposer, du moins dans un blog, c'est s'opposer à tout. La contestation décomplexée, la critique permanente.

4 septembre 2007

Ministère de la Haine, de la Peur et du Codéveloppement

Via Sarkofrance, cet article sur le site de Marianne, où est confirmé ce que l'on soupçonnait déjà, à savoir que Brice Hortefeux n'arrive pas à tenir les promesses de son Président en termes de reconduites à la frontière des clandestins. Selon Marianne:

en réalité, les services de police ont expulsé environ 1300 personnes au 31 aout alors que l'objectif est de 3580 reconduites sur l'année entière. En réalité, la « base » policière renâcle à appliquer les consignes du ministère dans la mesure où la complexité de la règlementation, la multiplication des recours et la guérilla juridique menée par les associations rendent très difficiles les reconduites effectives. Du coup, bien des policiers préfèrent relâcher les sans papiers interpelés que de les enfermer dans des centres de détention déjà bien garnis.

D'abord que ce n'est pas facile, et en plus c'est compliqué. Pire encore, des associations de gauchistes s'en mêlent. Mais le vrai problème, en termes de rendement et de chiffres, semble venir d'en haut.

alors que la responsabilité du dossier de l'immigration clandestine revient à Brice Hortefeux, l'expérience et les compétences, elles, se situent plutôt place Beauvau, siège du ministère de l'Intérieur. Tandis que le cabinet de Brice Hortefeux espère voir le boss « piquer » son poste à MAM (notamment lors du rebondissement du dossier Clearstream), les hauts fonctionnaires se moquent souvent de l'ignorance manifestée par les membres du cabinet Hortefeux sur le sujet de l'immigration clandestine.

Le Très Grand Homme (TGH) voulait casser les administrations lorsqu'il a créé son gouvernement. Du coup, le Ministère de Hortefeux se retrouve avec une charge policière alors que la police dépend encore de MAM. Problème de gestion, ça peut arriver à tout le monde.

Le problème dans cette triste histoire, c'est que ce Ministère n'existe que pour répondre à des fantasmes qui, selon la conjoncture, sont partagés par une partie plus ou moins grande de la population, plus ou moins proche de l'Extrême droite, mais certainement pas limitée aux électeurs de Le Pen. Ce dernier a construit sa carrière politique en rendant l'immigration (légale et illégale) responsable du chômage, et, de façon beaucoup plus perverse encore, immigration et les déficits publics. Notre gouvernement actuel ne va pas jusqu'à dire des choses pareilles, et rien n'indique que Sarkozy et sa bande pensent selon ces axes. Cela ne les a pas empêchés d'instrumentaliser ces fantasmes, et de rendre l'immigration responsable d'un éffritement de la sacrosancte Identité Nationale, analogue aux entorses à l'Autorité Nationale qu'ils imputent à la génération Mai 68.

Le problème avec une politique fondée sur un fantasme, c'est que quand on commence à donner des ordres à des policiers, on se heurte assez rapidement à la réalité des choses. L'immigration du fantasme, ce ne sont pas ces 300.000 personnes que l'on estime présentes, clandestinement, sur le territoire français. Les "clandestins" qui sont visés véritablement, dans le fantasme, ce sont ces jeunes dits, hypocritement, "issus de l'immigration", citoyens français, nés en France de parents souvent citoyens français eux-mêmes. L'"immigration" que l'on voudrait arrêter, dans le fantasme, c'est celle des Trente Glorieuses; c'est en fait tout un pan de l'histoire du postcolonialisme français que l'on voudrait exorcer. Puisqu'il est impossible de revenir dans le temps, on cherche une victime expiatoire, une victime symbolique.

Car les 300.000 clandestins ne sont pas un problème réel (pour le reste de la société, j'entends; je ne parle pas de la difficulté, pour eux, de leur situation), ne sont pas une menace à une quelconque identité nationale. Juan écrit:

Toutes les polices de l'air et des frontières ont été mobilisées; un Ministère de l'Identité Nationale a été créé; le Président a été 4 ans durant Ministère de l'Intérieur; les instructions et les moyens ont été donnés pour que les interpellations et les reconduites aux frontières soient massives.

Et pourtant, cette politique est un échec au regard de ses propres objectifs.

Si l'Etat Français est incapable de les débusquer les sans-papier, quels problèmes représentent ils vraiment ?

Jettez un coup d'oeil sur ce tableau qui figure dans un rapport du Sénat sur l'immigration clandestine. (C'est là où je prends aussi ce chiffre de 300.000 clandestins. Il est important de noter que dans cette population, il y en a beaucoup qui rentrent au pays spontanément, ce que le Ministre Sarkozy ne prenait pas en compte dans ses calculs à lui.) En faisant un petit calcul, pour savoir le pourcentage de clandestins en France, j'en arrive à 0,5% de la population, ce qui place la France très confortablement dans le bas du tableau européen : les Pays-Bas (1,1%), la Suisse, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce (3,7%), ont tous, proportionnellement, beaucoup plus de clandestins que nous, sans parler des Etats-Unis, avec 3,6%.

Les clandestins en France sont une toute petite population, pauvre, qui souffre beaucoup, mais qui ne représente qu'une menace symbolique, un rappel de l'immigration de la décolonisation. Faire du chiffre sur leur dos, pour les besoins de la communication politique, pour des besoins d'image, relève d'un cynisme indigne. On ne peut que se féliciter de l'échec d'Hortefeux, et lui en souhaiter d'autres.

2 septembre 2007

Envoyée personnelle ou représentant personnel?

Juan vient de publier l'intégralité du point presse de David Martinon. Ce dernier annonce qu'au moment même de son point presse, le Président Sarkozy, Très Grand Homme (TGH), s'entretenait avec un diplomate marocain. Voici ses paroles exactes:

Le Président reçoit en ce moment même M. Taieb FASSI FIHRI, qui est le ministre délégué aux affaires étrangères du Royaume du Maroc et qui est le représentant personnel de Sa Majesté le Roi Mohamed VI.

Rien que du très banal, hormis cette formule représentant personnel. La personne en question n'est pas l'épouse de Sa Majesté, mais bien l'un de ses ministres.

Cécilia, en Libye, n'était pas la représentante mais l'envoyée de Sa Majesté le Président Nicolas Sarkozy. Donc, évidemment, cela n'a absolumment rien à voir.

1 septembre 2007

Claude Guéant, François Fillon et l'hyperprésidentialisation

L'humilité presque masochiste - que dis-je, "presque"? carrément masochiste - de François Fillon commence, semble-t-il à s'éffriter. C'était une chose d'être éclipsé par l'ultra-hyper-méga-super-président, le Très Grand Homme (TGH) en toute sa splendeur et toute sa légitimité électorale, mais c'en est une autre de devoir se battre pour s'affirmer devant le Secretaire Général de l'Elysée. Et voilà que le Figaro enfonce le clou en lançant déjà des spéculations sur le successeur du brave Fillon, dont la seule originalité jusqu'à présent était d'avoir imaginé la suppression de son propre poste.

Claude Guéant sera-t-il premier ministre en 2008 après les élections municipales ou bien en 2010 au lendemain des régionales ? La question paraît à tout le moins prématurée. Mais, à force de voir en première ligne le secrétaire général de l'Élysée et, surtout, de l'entendre s'exprimer dans les médias, certains, dans la majorité, commencent à s'interroger.

J'avais parlé, il y a quelques semaines, de cet épisode révélé par le Canard entre Georges-Marc Benamou, conseiller élyséen pour la Culture et l'Audiovisuel, et Christine Albanel, notre Ministre de la Culture et de la Com'. C'était surprenant, je trouvais en tout cas, qu'un membre du cabinet de Sarkozy tente de s'approprier un peu de reconnaissance publique, ne se contentant pas de manier le véritable pouvoir dans l'ombre. Cela doit être dur, en effet, pour ces "conseillers" : savoir que ce sont eux qui gouvernent le pays, sans pouvoir vraiment le dire. D'ailleurs, c'est plus fort qu'eux, et ils finissent par le dire quand même.

Fillon et ses pauvres ministres devaient compter sur le fait que Sarkozy et les siens respecteraient les convenances, pensaient sans doute que l'illusion d'un véritable gouvernement avec un véritable premier ministre était nécessaire au bon déroulement des choses, à la paix sociale et à la Constitution. C'était, malheureusement pour eux, oublier que désormais le pouvoir est définitivement décomplexé. Si t'en as, tu le montres. Claude Guéant en a et ça finit par sortir. Fillon en est réduit à dire qu'il n'est pas un vulgaire collaborateur du TGH, mais un véritable chef d'Etat. Avec un bureau, et un parlément, et tout et tout.

Sans illusion sur la liberté de ton dévolue à Henri Guaino, François Fillon ne s'attendait certainement pas à voir Claude Guéant monter en première ligne à la télévision. « Lorsque les séances d'actualité reprendront, ce sont le premier ministre et les membres du gouvernement qui répondront, pas les collaborateurs de l'Élysée », confiait-il la semaine dernière, comme pour se rassurer.

Avant les législatives, Fillon était intarissable sur la légitimité que procure les élections, et Juppé a payé le prix de cette insolente doctrine cumularde. La légitimité du suffrage, c'était bien entendu une critique implicite de Dominique de Villepin, qui fut Premier Ministre sans être élu. Tout content de son élection du 6 mai, Sarkozy trouvait encore plus qu'avant qu'une élection, c'est bien.

Il se trouve maintenant que la seule élection qui compte est la présidentielle. L'Assemblée et surtout le gouvernement constituent un spectacle démocratique nécessaire pour éviter les critiques et occuper le bon peuple, mais l'on sait que le véritable pouvoir n'est pas là, que l'Assemblée UMP votera tout ce qu'on lui envoie, et que les ministres, y compris le premier, subiront, aux mains des conseillers de l'Elysée, différentes sortes de corrections s'ils se montrent inéfficaces (Christine Lagarde qui est trop longtemps restée en vacances pendant les premiers jours de la crise des subprimes). Autrement dit, avec la présidentialisation du régime, toutes ces centaines de petites élections législatives ne servent qu'à remplir des sièges, mais pas du tout à exercer le pouvoir.

L'ironie est donc que ce rapport de forces, pourtant extrêmement favorable au pouvoir élyséen - on peut difficilement imaginer une situation qui lui serait encore plus favorable -, ne suffit pas. Il faut maintenant que les élyséens occupent aussi le cirque démocratique. Selon ce même article du Fig:

[Sarkozy] casse les codes de la communication politique et autorise ses plus proches collaborateurs à s'exprimer dans les médias.

Et on en vient à imaginer, dans le Figaro en tout cas, Claude Guéant en Premier Ministre. Un nouveau Dominique de V., qui n'a jamais été élu, non plus. "C'est peut-être un DDV, mais c'est mon DDV".

Tout cela n'est que spéculation figaroesque, bien sûr. Mais confirme en tout cas que pour l'instant, le pire énnemi de la droite, c'est la droite.