Hier CSP
vient de publier un
billet sur l'état actuel de la blogosphère qui rejoint quelque
chose qui me tracasse depuis quelques jours, notant
Un phénomène de lassitude collective, troublant
parce que non concerté...
Sauf que.
Si mon hypothèse est exacte, celle d'un
découragement par avance devant le rouleau-compresseur
libéral-sécuritaire, on peut en effet se demander : "à quoi bon un
blog ?"
Guy Birenbaum et MC de Cabinet de Subversion s'arrêtent, ce dernier ne s'en
expliquant pas, mais on devine que de toute façon, d'une manière ou
d'une autre, le jeu ne vaut plus la chandelle. J'avais réagi, à la
suite de Dagrouik, à cette phrase de Guillermo, chez Radical Chic:
Vaste programme. En attendant d'en être là, ça serait pas mal que
le PS se taise. Non ?
Aujourd'hui, un peu plus calme, je vois cette déclaration plutôt comme
un symptôme d'un phénomène bien plus large, cette "lassitude
collective" qu'identifie CSP. Devant l'omni-hyperprésidence de
Sarkozy, devant la perspective de dix ans de la droite, dans cette Ve
République qui laisse encore moins de place et de pouvoir à
l'opposition qu'à l'époque pré-quinquennale, on peut, je suppose, se
demander "à quoi bon lutter?" Ou penser qu'il faut se taire, d'une
manière ou d'une autre. Sarkozy aurait-il réussi à contaminer les
esprits au point où toute résistance semble futile ?
Le mois d'août aurait fut donc meurtrier dans les blogs de
gauche. Moi-même, je suis revenu à mon clavier un peu désorienté après
avoir décroché du net, pas tout à fait sûr comment rattraper ce train
qui est pourtant déjà en marche (ça, on peut en être sûrs!). La
situation est sûrement un peu différent pour quelqu'un comme CSP, qui
après tout a sa Ligue et même la perspective d'un nouveau grand parti
de gauche. Ici, un peu plus près du PS, c'est moins évident de fonder
ses espoirs sur une personne ou des personnes précises. En attendant
qu'au PS on en finisse avec la tournée de déclarations sur comment on
doit aborder l'approche d'une méthodologie pour décider d'une
stratégie qui pourrait aboutir à une réfondation, on se retrouve,
lorsqu'on est un anti-Sarkozy viscéral, dans une sorte de vide
idéologique, dans, plus précisément, le vertige de l'opposition pure,
c'est-à-dire l'opposition quand les alternatives ont cessé d'être
évidentes.
L'autre jour, l'influent jegpol, anciennement Nicolas J, parlait
justement du départ de Birenbaum et d'autres événements
blogosphériques, et en vient à se poser la question d'une fin des
blogs:
Ca fait quelques temps que je note une évolution de
la blogosphère politique avec le flottement de quelques blogs
politiques que je suivais avec ferveur ! Je mettais ça sur le compte
d'une certaine lassitude suite aux élections, le fait qu'on se prépare
à cinq ans de sarkozysme et de querelles internes au PS tout en
espérant une refondation de l'extrême gauche.
Pourquoi faire pendant cinq ans toujours les mêmes
billets sur les mêmes sujets ? Les blogueurs se lassent. [...]
Un loisir branché qui ne l'est plus...
Dans la discussion qui a suivi, il était question de l'opposition
systématique à Sarkozy. Est-on crédible, lorsqu'on s'oppose à tout?
Est-ce bien raisonnable? Est-ce efficace?
La question est importante. Depuis quelques temps, je crois beaucoup
en la nécessité d'une gauche efficace. Cela ne veut surtout pas dire
une gauche qui se rapproche mollement du centre pour essayer de
grapiller quelques voix, mais une gauche qui arrive à vendre un
message fort, qui attire du monde. Donc est-ce efficace, que de
vouloir s'opposer tout le temps à Sarkozy, ou, à l'autre extrême, ne
faudrait-il pas adopter une stratégie comme Manuel Valls, et accepter
de "faire un peu de route ensemble", ou encore essayer de paraître
raisonnable ?
Chacun fait ce qu'il veut de toute façon. Surtout avec des blogs. Si
le blog n'est plus un espace de liberté de parole et de pensée... Si
j'en parle, c'est un peu pour expliquer et/ou trouver ce que je compte
faire ici. Je passe à la première personne.
Tout d'abord, quand je blogue, je n'ai pas à me comporter comme un
parti politique, qui, lui, dans sa critique du pouvoir, doit au moins
esquisser une alternative. Pour un pauvre blogre comme moi, 1089e chez
Wikio (!), je ne cherche pas à être une alternative à Sarkozy. Dans un
sens, je ne cherche même pas à être crédible, ou même avoir une
quelconque autorité. Ce n'est pas moi, un anonyme, qui compte, mais
éventuellement ce que j'écris. Je n'ai pas à être crédible parce que
je ne demande pas qu'on me croie; je n'apporte aucune information qui
ne puisse pas être soutenu par un lien. Il n'y a que les mots sur
l'écran qui compte, pas le type derrière qui pourrait être "crédible"
ou pas.
Ensuite, au delà de ces considérations très générales sur les blogs et
l'écriture, il y a une particularité sarkozyste qu'il ne faut pas
négliger. On se rend compte, petit à petit, que pour Sarkozy, tout
est communication et la communication est tout. Une enième loi
sur la récidive, ou sur les pédophiles, ou sur les immigrés
clandestins, ça sert à quoi sinon à envoyer des messages? La
liberation des infirmières a certes permis de réussir un joli coup
pour l'industrie militaire, mais plus encore c'était l'occasion de
briller, et pour Cécilia de briller, et de briller encore plus parce
que Cécilia brillait. Embaucher des gens du PS ne sert pas à
grand'chose concrètement, mais symboliquement, médiatiquement c'est
une énorme réussite. Autrement dit, du fait que c'est la com' qui
domine à ce point, il est difficile de ne s'opposer qu'à une
partie. C'est un tout, du paquet fiscal au discours devant les
étudiants sénégalais, de la Libye à Wolfeboro. S'opposer, du moins
dans un blog, c'est s'opposer à tout. La contestation décomplexée, la
critique permanente.