Il y a désormais un consensus médiatique : Nicolas Sarkozy court après
le Front National, pille son programme, est parti dans une "course à
l'échalote". La chose est admise, par les médias et par un certain nombre de membres de la majorité. La course après le Front National
existe désormais aux yeux du plus grand nombre. Seul Sarkozy lui-même
peut encore nier, avec sa fausse naïveté siropeuse habituelle, qui
lui permet de dire une chose et son contraire selon les publics.
En préparation pour le cataclysme annoncé, une partie de l'UMP
commence tout doucement à prendre ses distances avec son candidat et
ses excès. L'Express, par exemple, nous dit que "Gaullistes,
centristes, humanistes… Tous tiennent à rappeler que l'UMP n'est pas
qu'une droite qui fait la course au FN."
Peu à peu, les "modérés" de l'UMP semblent prendre leurs distances. On
rend Patrick Buisson responsable de tout. C'est un gourou qui aurait
hypnotisé le Très Grand Homme (TGH) :
« C’est un gourou total! Il a une influence irrationnelle sur le
président, qui l’appelle trois fois par jour », raconte, dépité, un
membre de l’équipe de campagne.
Surtout, les "grands" de l'UMP, ceux qui souhaitaient une campagne
avec un vrai capitaine, une vraie barque et une vraie tempête, voient
dans Buisson l'explication de leurs ennuis actuels :
Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et le chef du
gouvernement, François Fillon, accuseraient même Patrick Buisson
d’avoir favorisé l’extrême droite au premier tour. "Voilà où Buisson
nous a conduits, râle Alain Juppé le 22 avril au soir, selon 'Le
Canard Enchaîné'. Il devait faire baisser le Front et Marine Le Pen
fait 1,6 million de voix de plus que son père [en 2002, NDLR]".
C'est la faute à Sarkozy, mais encore plus la faute à Buisson, avec
ses pouvoirs occultes, qui aurait poussé son Président dans une sorte
de démence.
Après l'élection les couteaux vont sortir et nous verrons beaucoup de
créativité dans les manières de prendre de la distance vis-à-vis de
Nicolas Sarkozy. Le culte de l'homme fort, et la peur d'être designé
comme responsable de la défaite suffisent à tenir presque tout le
monde. Bientôt ils vont pouvoir chanter tous : "ce n'était pas nous,
nous on est les gentils". (Enfin pas tous : il y a aussi ceux qui ne
rêvent que d'avoir l'occasion de partir d'un virage droitier sans
retour. Ils suivront leur chef sans doute.)
Donc, à tous ces humanistes, modérés, "vrais gaullistes", adultes
responsables, républicains "authentiques", je voudrais simplement
suggérer que c'est un peu tard de se réveiller, et que cela fait cinq
ans que dure la dérive droitière, xénophobe et anti-républicaine de
Sarkozy. Et je voudrais suggérer que cela ne dérangait personne à
l'UMP tant que leur "soupe" n'était pas menacée par une défaite, qu'il
n'y a pas eu beaucoup d'objecteurs de conscience parmi leurs rangs. Je
voudrais surtout leur faire comprendre que ce n'est pas en criant
"Patrick Buisson ! Patrick Buisson !" qu'ils vont pouvoir se laver de
tout ce qu'a fait Sarkozy à cette République dont ils se réclament.
Ce qui se passe actuellement n'est que le dévoilement au grand jour de
ce qui se prépare depuis cinq ans, ou davantage encore. Un coup
d'accelérateur juste en arrivant devant le mur, mais pas un coup de
volant. L'UMP modéré a-t-il oublié Hortefeux, Besson et Guéant ?
Patrick Buisson avait-il mangé les cerveaux de ces augustes défenseurs
des droits de l'homme avant de réussir à atteindre les sept cerveaux
de Sarkozy ? Le pacte avec le diable fut réalisé en 2007, ou avant,
quand l'UMP a réussi à siphonner les idées du Front National. Le
"diable" ce n'est pas le FN, ou la famille Le Pen, mais leurs idées,
qui salissent tous ceux qui les reprennent.
N'essayez donc pas, chers "modérés", de vous détacher soudain de
Sarkozy. Vous étiez là, vous étiez au courant, vous avez profité. Pour
être humaniste il fallait se réveiller plus tôt.