Chez Betapolitique, Thomas Milou s'intérroge sur la signification du vote des "seniors" dans l'élection présidentielle:
Si leur vote ne s’était pas distingué de celui du reste de la population, Ségolène Royal aurait emporté l’élection avec 52% des voix. Au sein de cette classe d’âge, les quelque 7 millions d’électeurs de plus de 70 ans ont joué un rôle considérable dans l’issue du scrutin puisque 68% d’entre eux ont choisi Nicolas Sarkozy.
Il y a là un paradoxe pour le moins étonnant si l’on songe que Sarkozy a axé une bonne partie de sa campagne présidentielle sur le changement, la jeunesse et le dynamisme. Paradoxe aussi lorsque l’on songe que l’un des thèmes favoris de sa campagne était celui des heures supplémentaires et de la « revalorisation du travail » et que ce sont finalement… les retraités qui ont adhéré à ce projet !
Sans du tout remettre en cause ce très bon article, je vois une autre leçon dans ce paradoxe qui n'en est pas un.
Le vote des seniors n'est un paradoxe que si on suppose que les électeurs votent toujours selon leurs propres intérêts. Quoi, nos vieux ont voté Sarkozy par altruisme ? Pour nous sauver de nos erreurs de jugement ? Non : les électeurs ne sont pas altruistes non plus. Simplement, vieux et jeunes, ils ne sont pas capables de juger de leur propre intérêt, et encore moins de calculer l'effet de tel ou tel programme sur leurs intérêts.
On sait bien, tous, pour l'avoir expérimenté dans nos entourages. Les choix des électeurs sont très rarement fondés sur des informations ou des analyses concrètes, mais sur des impressions qui riment plus ou moins avec ce que l'électeur en question trouve qui ne va pas dans la société, ou qui lui fait peur, etc. Et c'est là presque le meilleur des cas. Encore plus souvent, dans mon expérience en tout cas, le choix est presqu'exclusivement affectif. C'est là où le machisme fait son entrée discrète sur la scène. Pas un machisme rationnel, mais ce machisme qui fait qu'on dit : "Ségolène Royal, je ne la supporte pas".
(Thomas Milou souligne, d'ailleurs, est c'est très intéressant, que c'est chez les seniors, et surtout les "seniores", que l'idée même d'une femme présidente a rencontré le plus de résistance.)
La théorie politique serait beaucoup plus simple si l'on pouvait compter sur les électeurs d'être lucides et rationnels. Le plan Alzheimer proposé par Nicolas Sarkozy, même s'il y avait une possibilité que la contribution française à la recherche sur cette question porte des fruits tangibles, ne concerne pas en réalité nos vieux d'aujourd'hui, mais plutôt les générations suivantes quand elles arriveront à l'âge des victimes de la maladie. Ce n'est pas pour cela que cette mesure pouvait porter chez les seniors, toutefois, mais plutôt pour des raisons affectives : parler l'Alzheimer, c'était envoyer un signe vers ces électeurs-là, reconnaître quelque chose qui leur fait peur.
L'effacicité politique exige ce type de communication, où la réalité est symbolisée dans le discours politique. Un "projet" n'est pas choisi parce qu'il sera véritablement efficace, mais parce qu'il paraît efficace. Ségolène Royal semble avoir compris que le discours de gauche devait être plus symbolique qu'économique, mais ce discours symbolique était insuffisamment développé. Pour cela il faudra du temps, mais ce sera difficile s'il faut en même temps, au sein du PS, résister aux incessants appels à un retour à l'économique.
1 commentaire:
Lorsqu'on vieillit, on se droitise, c'est un peu mécanique. Ce qui fait que la droite a de beaux jours devant elle.
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