Le discours de Nicolas Sarkozy à l'Hôtel de Ville de Paris est, à première vue simplement sentencieux et cérémonial, rempli de banalités pour faire passer le temps, tout en lançant un avertissement à Delanoë et au PS en général, le PS des municipalités et des régions qui garde encore un peu pouvoir. Toutefois, en regardant de plus près, le discours, malgré sont côté pompeux, contient un condensé du sarkozyzme qui nous attend.
Commençons l'explication de texte par cette phrase où le Président de la République explique pourquoi Paris est si central à la France, et pourquoi la décentralisation est si difficile:
Il y a dans la prééminence de Paris quelque chose qui ne dépend pas seulement de la volonté humaine mais qui est consubstantiel à la façon dont la France s'est construite.Dans l'interprétation « laïque », la signification de la phrase pourrait être :la « prééminence de Paris » est une réalité historique, culturelle, et sociale difficile à modifier avec les outils dont dispose un Etat moderne. En filigrane, on pourrait même penser que cela veut dire que le gouvernement Sarkozy ne va pas s'acharner à transférer des compétences aux régions gouvernées par la gauche.
Mais pour dire cela, est-il besoin de parler des limites de « la volonté humaine » et de la consubstantialité entre la réalité de la France et le « génie » de son histoire ? Une seconde lecture se superpose à la première, que l'on pourrait résumer, sans vraiment exagérer, par : la prééminence de Paris fait partie du Mystère de la France et de sa Destinée Sacrée. La décentralisation et le transfert de compétences aux régions se heurte donc à la volonté Divine qui a fait que la France est ce qu'elle est aujourd'hui. Car ce « je ne sais quoi » qui échappe à la « volonté humaine » est justement « consubstantiel » à la France elle-même.
Ainsi, Sarkozy peut se réaffirmer dans son rôle de guide spirituel du pays :
Et quand on préside aux destinées de la France, on se doit de connaître l'histoire de France.Je ne sais pas pourquoi il se sent obligé de nous dire qu'il connaît bien son histoire, ou en tout cas qu'il devrait la connaître... cela doit faire partie des grandes responsabilités morales qui vous tombent dessus, par révélation, quand vous devenez président. « Présider aux destinées de la France » pourrait être, je suppose, une expression assez banale pour un chef d'état, s'il n'y avait pas ce contexte religieux (déjà développé depuis au moins la campagne présidentielle) où le Président se replace encore une fois devant ses devoirs :
C'est pour moi une obligation, mais il faut comprendre, c'est une obligation morale, ce n'est pas seulement une obligation politique.C'est moral parce qu'il est, en tant que berger du peuple, responsable de cette grande Destinée. Et, très logiquement, c'est tout à fait immoral de s'opposer à ce que veut le Berger de l'Etat et du Peuple.
Encore une fois, tout cela n'est pas théologique ou relgieux, à proprement parler, sauf si l'on reconnaît que Sarkozy cherche à appuyer son pouvoir sur une sorte de « religion révélée de l'Etat ». C'est cela qui me surprend constamment dans les discours de Sarkozy et qui, il me semble, n'a pas été souvent relevé par les commentateurs.
Il y a pourtant une finalité politique à ce jeu, car le Président Sarkozy qui se permet de participer aux meetings de son parti politique, annonce qu'il sera, par l'obligation morale que je viens de citer, intraitable avec les « jeux politiciens ».
Alors même que les Français attendent autant de la politique comme ils l'ont montré en votant massivement aux élections présidentielles, rien ne serait pire que le sectarisme et que l'intolérance. C'est toute la France qui s'est rendue aux urnes lors de la dernière élection présidentielle.Toute opposition politique revient à s'opposer aux devoirs moraux du Président, et est donc immoral. En revanche, Sarkozy, en tendant la main « à toutes les femmes et à tous les hommes de bonne volonté » n'a rien à faire que vous soyez de gauche ou de droite, à condition que vous l'acceptiez comme sauveur de la France et que vous vous mettiez de son bord politique.
Quant à moi, je n'ai pas l'intention de céder, ni au sectarisme, ni à l'esprit de clan, ni à l'intolérance. Je vais continuer à tendre la main à toutes les femmes et à tous les hommes de bonne volonté qui aiment leur pays et qui veulent le servir.
Ainsi, tout est relié très proprement. La hauteur de la fonction, qu'il avait songé à « habiter » en s'enfermant dans un monastère (mais en choisissant plutôt le yacht...), l'immense poids de la responsabilité morale qui lui incombe, servent à l'élever au-dessus de la politique. L'ouverture à gauche de son gouvernement coïncide avec cet effacement des contours politiques. S'opposer à Sarkozy serait alors s'opposer à cette grande force mystico-patriotique incarnée par l'ancien maire de Neuilly.
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