Suivre à la trace, en la démystifiant, la logique du pouvoir sarkozyen est un travail essentiel, et on ne peut que se réjouir de l'arrivée de ce réseau de bloggeurs, spontané et ad hoc des SarkoWatch. Je suis très content de voir que cet humble blog figure dans les listes que Juan publie de temps en temps. Au passage, je salue le travail de veille que fait Juan: plus de 600 billets depuis le 6 mai 2007, c'est énorme, c'est même épuisant. Surtout, ces billets, au fil du temps, vont devenir une ressource précieuse. Milan Kundera disait, au début du Livre du rire et de l'oubli que « la lutte de l'homme contre le pouvoir, c'est la lutte de la mémoire contre l'oubli ». Grâce à Sarkofrance, nous n'allons pas oublier grand'chose.
C'est peut-être aussi l'occasion pour moi de préciser un peu plus ce que j'entends ici, au Pire Racaille. Comme beaucoup des « blogs du 6 mai », celui-ci a démarrer dans l'émotion et la précipitation. Au fil des jours et des semaines, et surtout au fil des billets, le bloggeur découvre petit à petit comment il entend « blogger ».
Malgré le degré auquel notre société est devenue télévisuelle, je suis persuadé que les mots jouent un très grand rôle dans la formation de l'opinion, et que la réflexion critique sur les discours politiques est une forme d'action qui est tout sauf vaine. Démonter les hypocrisies de la droite sarkozyste, ainsi que celles des médias qui les relaient, c'est là où les blogs peuvent, collectivement mais sans concertation, jouer un rôle non négligeable. Si je peux participer, même sur une échelle microscopique, ma goutte d'eau un peu salée dans la mer, à changer la saveur de la grande soupe médiatique, j'estimerai que le temps passé à tapoter ici n'aura pas été perdu.
(Ce temps n'est pas de toute façon perdu, tellement le fait d'écrire, d'affûter, de préciser ses idées est, en soi, un grand bonheur.)
En plus d'essayer de décrypter les faits et gestes de notre Lider et de ses médias, je voudrais, très modèstement, tenter de réfléchir sur des discours qui pourraient, un jour, être efficaces contre la droite. Le souci de l'efficacité politique me semble primordial. Si je défends Ségolène Royal, c'est que, à mon avis, qui, mieux que quiconque parmi ses rivaux de gauche, elle a compris qu'il ne faut pas hésiter à employer son image à des fins politiques, devenir soi-même une « people » afin de lutter à armes égales avec Sarkozy, et généralement jouer le jeu politico-médiatique qui est la réalité du monde d'aujourd'hui. Car on peut dénoncer la peopleisation de la politique et la superficialité des débats, mais il est politiquement suicidaire de se comporter, au nom d'un purisme politique, socialiste ou simplement de gauche, comme si cette transformation de la société ne concernait pas la sphère politique, comme si elle n'a pas eu lieu, comme si Loft Story et la Star Ac' n'étaient pas passés par là.
Est-ce se corrompre, d'agir ainsi ? Peut-être, mais toute la pureté politique de l'univers ne servira à rien si elle empêche d'occuper le pouvoir. Et bien sûr, je ne propose pas d'aller aussi loin que Sarkozy dans la démagogie et l'illusionisme. Ni même d'emprunter ces techniques du tout. Simplement, il faut savoir, pour un(e) candidat(e) de gauche, exister sur ce terrain, qui n'est plus du tout celui des débats idéologiques du passé. Même si pour cela il faut abandonner les arguments traditionnels du socialisme, même s'il faut parler d'autre chose que solidarité, justice sociale et le rôle du capital dans la société. Je sais que cela peut paraître choquant, de la part de quelqu'un qui se considère férocement à gauche.